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mille vivait le jour et où, le soir, les « veilleux, » parents et voisins, se réunissaient souvent. Et c’est ainsi que, sans indiscrétion, simplement par nécessité de prendre ma part de la bonne chaleur du poêle, j’étais quelquefois le témoin invisible, attentif et amusé de conversations et de récits qui, peut-être en raison de l’angoissante épidémie, me parurent singulièrement macabres et lugubres. Si je m’en amusais, c’est que j’y apportais un scepticisme qui eût bien scandalisé ces bonnes gens dont la croyance aux revenants est inébranlable : bon gré mal gré, je fis connaissance avec ces revenants authentiques, puisque chaque conteur avait vu le sien !

Un des plus familiers avec ces âmes en peine et errantes était naturellement le bedeau ; — aussi bavard que crédule, il avait un grand succès avec ses histoires ! En avait-il vu des esprits rôder dans son église, glisser le long des murailles et soupirer devant les quatorze stations ! Un frisson de l’autre monde passa sur son auditoire quand il raconta, qu’étant un soir à disposer les ornements pour la messe du lendemain, il vit un fantôme couvert des vêtements liturgiques s’avancer au pied de l’autel et dire par trois fois : « Y a-t-il quelqu’un ici pour servir ma messe ? » La voix de plus en plus basse mourait dans l’ombre sacrée… et puis ?

Le bonhomme épouvanté s’était enfui en laissant grande ouverte la porte de la sa-