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La tête penchée sur son ouvrage, elle brode : mille petits trous ajourent la toile, et des fleurs en relief s’épanouissent sur le fin tissu… Est-ce la mystérieuse histoire de son cœur qu’écrit là l’enfant diligente, et ces ramages et ces entrelacs représentent-ils ses projets d’avenir ?

Pendant qu’elle brode sur la toile, le givre dessine sur la vitre des fougères et des personnages falots, et les moineaux affairés viennent jusque sur la rampe de la galerie s’assurer qu’aucune miette ne reste de la dernière distribution.

Elle est seule : son petit visage fermé ne laisse voir que l’application à broder vivement. Pourtant, elle finit pas relever la tête, se doigts s’immobilisent et elle laisse échapper un grand soupir.

Au loin, sur la route de neige dure, des grelots secouent leur musique légère dans le silence de la campagne, et au-dessus de sa tête, son chardonneret chante à perdre l’âme.

— Encore une journée finie ! Mon oncle va rentrer : il lira son journal, nous souperons, il s’assoupira sur son livre. Au lieu de regarder par cette fenêtre, le soleil se coucher, je regarderai la lune se lever par la fenêtre de ma chambre ! Et demain, je recommencerai à broder, à rêver, à regarder la neige… Rien n’arrive jamais !… et les jours vides s’en vont ! Je ne suis pas malheureuse,