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Que vaudrait un amour qui rejetterait la souffrance et qui n’aurait jamais pleuré ?


XVII

Autodafé

Seule : j’entends le vent tumultueux courir sur les toits en soulevant les tourbillons de neige ; sifflant et hurlant, il tord les branches qui résistent et se brisent, et l’espace est rempli de plaintes et de cris qui me font penser au « Vent chargé du désespoir » du poète. Est-ce la douleur de cette heure, dans le monde entier, qui passe dans ses gémissements ? Les agonies des mourants, l’angoisse des vivants, les terreurs des enfants, toutes les détresses qui se sont contenues tout le jour et qui éclatent quand il fait nuit ?

J’entends le vent qui a passé sur ces souffrances, et je frissonne de pitié et de peur aussi, peut-être : on est faible quand on est triste ! Dans l’âtre presque étreint, je regarde des cendres pareilles à de la poudre grise… tout ce qui reste de lettres aimées tant de fois relues ! Le feu, en les dévorant, a fait dans mon cœur une large blessure. Un jour vient où l’on se dit que les choses qui furent la chaleur et la douceur de notre vie doivent nous précéder dans la mort, car dans ce monde étrange, pour garder à soi ses trésors, il faut les faire disparaître !