Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, cinquième série, 1922.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Jean repris par l’inquiétude, eut froid jusqu’au cœur, mais il n’était plus question de revenir, le camp étant plus rapproché que le village. Il essaya de marcher plus rapidement, mais c’était déjà difficile, la neige nivelait tout, effaçant les lignes du sentier.

Soudain une angoisse l’étreignit : suivait-il la bonne route ? Mais il était brave et réfléchi : il parvint à s’orienter et reprit avec assurance sa marche interrompue quelques minutes. Il avançait péniblement au travers des grandes vagues blanches où il enfonçait jusqu’à perdre pied, rudoyé par la poudrerie qui l’aveuglait et l’étouffait. La fatigue vint, il s’assit haletant, le front couvert de sueurs et le corps secoué de frissons. La neige tombait implacable et glacée, les arbres, agités par la rafale, ressemblaient à des squelettes qui menaçaient de le saisir, le vent passait dans les sapins en se lamentant et une terreur folle saisit le petit, le mit sur pieds et le voilà parti en courant, tête baissée, ne regardant ni à droite ni à gauche, buttant, se heurtant aux arbres, fouetté et égratigné par les branches : il tombait, se relevait, tombait encore et s’épuisait rapidement… enfin il ne put se relever, et couché dans la neige, il se reposa un peu. Ces minutes d’immobilité lui permirent de se ressaisir, mais ce fut pour se rendre compte du grand danger où il se trouvait, si loin de tout secours. Le froid augmentait, ses jambes ne pouvaient plus le soutenir. Il se sentait perdu dans