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il coucherait à « la campe » et reviendrait le dimanche.

Le temps était doux et la distance n’était pas pour effrayer un gamin du pays. Jean partit joyeusement, curieux de revoir en hiver la forêt, où, l’été, il chassait les écureuils, dénichait les oiseaux et dormait sur la mousse quand il était las de courir.

Quand il laissa la grande route pour prendre le sentier qui conduisait, à travers bois, à l’endroit que l’on déboisait, il eût désiré un peu de soleil. Sans l’inquiéter, ce temps sombre lui faisait sentir sa solitude dans la forêt glacée et muette, et peu à peu, sa joie s’en allait. Il se mit à siffler pour rappeler les pensées gaies, mais l’ombre s’étendait, épaisse, presque hostile et un instant, le petit fut tenté de revenir sur ses pas… Mais quoi ! ne pas se rendre après avoir tant insisté pour partir ! On dirait qu’il avait eu peur ? Il secoua ce qu’il appelait sa poltronnerie et qui n’était que l’instinct sûr l’avertissant d’un danger réel, et il continua sa route.

Une heure ne s’était pas écoulée quand la neige commença de tomber en larges étoiles si douces que Jean oublia ses craintes vagues, tout à la joie de ses visions de glissades, de promenades en raquettes avec la belle paire toute neuve qu’il n’avait pu chausser encore faute de neige.

Mais le vent s’éleva et souffla bientôt en tempête ; la neige devenue piquante, drue et dure tournoyait, balayée par le vent d’est.