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écrits, mais elles créèrent aussi des drames silencieux, plus nombreux que ne le supposent ceux qui ignorent avec quelle facilité les femmes s’attachent, et ce que veut dire pour elles ce commerce d’âmes où le meilleur de soi passe presqu’à son insu. On écrit si facilement les pensées profondes que la timidité empêche de dire et on se révèle plus intimement dans une série de lettres que dans de longues conversations.

Ces correspondances transformèrent certaines vies : les lettres au petit timbre bleu ouvraient les cœurs à une vie sentimentale qui ne fut pas sans danger.

Une jeune fille de vingt ans, infirme à la suite d’un accident d’enfance qui arrêta la croissance sans nuire au développement de l’esprit et du cœur voulut, au commencement de la guerre, adopter un filleul comme le faisaient toutes ses amies. Il se trouva que son filleul était un homme cultivé et bien élevé.

Les lettres de France devinrent bientôt le grand événement de la vie de la petite malade. Dans cette vie chimérique au’elle se créait en dehors de la réalité monotone, elle oubliait ses tristesses et elle résolut de n’en jamais parler à son nouvel ami. Quand elle écrivait, elle était une autre, celle qu’elle eut été sans l’affreux accident. Son esprit, libéré temporairement des misères de son corps auquel elle refusait de penser, devenait un esprit de lumière qui rayonnait la joie, une