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ceux qui les remplacent. C’est bien imprudent de choisir ce jour-là pour s’absorber dans ses souvenirs ; je crois aussi que c’est égoïste !

Si nous évoquons les Noëls et les « jours de l’an » de notre jeunesse, nous sourions encore à la lumière et à la joie qui s’en dégagent. Ceux qui nous les préparaient étaient-ils donc exempts de soucis et de chagrins ? Non, ils nous aimaient assez pour les oublier et nous faire du bonheur avec les larmes qu’ils refoulaient dans les profondeurs de leur âme. C’est ce même courage qu’il faut que nous ayons à notre tour. Notre tristesse serait de l’ingratitude. La jeunesse autour de soi, c’est bon : il y a tant de malheureux qui vivent et qui meurent dans la solitude désolée des sans-famille. Je me faisais ces réflexions, en tisonnant le feu dans la pièce, tout à l’heure remplie de si jolis éclats de rire, et les pensées graves, invitées par le silence, remplaçaient les plaisanteries envolées.

Si nous comprenions mieux que nous sommes, chacun, l’anneau vivant de la chaîne ininterrompue des générations, quelle valeur profonde prendrait notre vie que nous disons remplie d’insignifiances ! Par deux longs chaînons, toute l’histoire de mes ascendants aboutit à moi : rien ne s’est perdu de leurs pensées, de leurs œuvres bonnes ou mauvaises, tout cela passe par moi, me fait ce que je suis, s’augmente de ce que j’y mets de bon ou de mauvais, et continue : c’est la