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pignons de chez nous ! En attendant, une tristesse plane sur la campagne grise, sur l’âme et sur les choses. Comme les nuages où se condensent les flocons légers, le temps paraît suspendu… Le ciel gros de neige, le cœur gros d’ennui attendent.

Je marche en regardant les nuées rouler sur la lune qui s’efface. Pour les astres dans leur cours régulier, le temps est une vérité, mais pour nous, le temps me semble parfois une illusion ! Une année n’est pas égale à une année et certaines heures valent toute une vie !

Le temps, c’est peut-être un beau livre blanc que nous recevons à notre naissance. Les pages seront plus ou moins remplies, comme seront plus ou moins remplis nos jours et nos années… C’est nous qui faisons notre vie, c’est nous qui faisons notre temps plus court ou plus long. Les grands vides, les années monotones où notre âme dolente s’engourdissait, que de temps passé, que de temps perdu ! Ce temps donné, nous le laissons nonchalamment glisser à l’abîme d’où rien ne remonte et dans notre livre de vie, il y a beaucoup de pages indistinctes et tant de pages blanches !

C’est qu’il y a trop de choses parmi lesquelles nous vivons comme si elles n’existaient pas, et notre âme se rétrécit dans le cercle mesquin où elle s’enferme. Si nous vivions pleinement, profondément, le temps serait doublé pour nous et nous l’avons