Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, cinquième série, 1922.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il dépend donc de nous d’être riches et je me demande pourquoi il y a tant d’âmes pauvres, mornes, qui ne se doutent pas qu’elles vivent au milieu de merveilles bien à elles, si seulement elles veulent les voir et s’en emparer. Car posséder, c’est connaître et comprendre : or, le monde tout entier s’offre à nous, et les choses et les âmes ; il ne tient qu’à nous d’être riches, et c’est ce que je disais à la femme indolente et triste qui se lamentait hier : « je m’ennuie partout ! tout m’est égal et une vie comme la mienne ne vaut pas la peine d’être vécue ! » Elle a bien raison, car c’est une vie gaspillée, mais sa vie monotone et inutile n’est pas la vie, et parce qu’elle ne fait rien de la sienne, il ne s’ensuit pas qu’elle ait raison de s’en plaindre.

Nous faisons chacun notre vie. La vie n’est pas un être arbitraire et dur qui nous domine, et les événements les plus tristes peuvent passer et nous laisser encore un grand amour de la vie.

Aimer la vie, c’est découvrir chaque jour quelque chose de nouveau à admirer et quelqu’un à aimer : c’est trouver l’âme des choses et le mystère des âmes. C’est donc renoncer à s’occuper uniquement de soi, de ses ennuis et de ses joies, pour regarder les autres et les aimer, c’est à-dire, les comprendre et les aider au besoin.

Les grands égoïstes, enfermés en eux-mêmes, n’aiment pas la vie et ne sentent