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qualités qui séduisaient contrarient et déplaisent.

Et voilà que surgit la grande douleur et la suprême injustice de cette vie, quand l’un des deux seulement a cessé d’aimer. Il a choisi et aimé ce qu’il trouvait désirable, il s’est fait aimer, il a juré d’être fidèle, et parce que son cœur est instable, parce qu’il était rempli d’illusions sur l’être aimé et sur lui-même, il va faire souffrir cruellement. Lui, le coupable par inconstance, va être le bourreau de celui qui est fidèle et dévoué, et parce qu’il est le plus dur et le plus égoïste, il fera le malheur de l’autre et il ne souffrira pas. C’est l’histoire tragique de tant d’unions, qu’il faut une dose d’optimisme considérable pour croire au bonheur possible dans le mariage. Il existe pourtant, mais quelle plante fragile et comme il faut la soigner avec sollicitude !

Par ce beau matin ensoleillé, je revois une autre journée d’été lumineuse où se déroulait la dernière scène d’une tragédie silencieuse dont le souvenir m’attriste.

Je suivais le convoi funèbre sur un chemin de campagne : la rivière riait au soleil, les arbres étaient remplis de bruissements d’ailes et de chansons, nous passions entre des champs verts parsemés de bluets et de marguerites, La terre et le ciel frémissaient de vie intense. À chaque pas dans le cimetière nous écrasions des fleurs ; des milliers d’insectes s’agitaient ardemment : et je me sou-