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fiants quand je les faisais, mais qui, à cette distance, prenaient une importance énorme.

Tous les bienfaits mal reconnus et les bienfaiteurs à peine remerciés ; toutes les injures légères mal pardonnées puisque le souvenir amer en était conservé. Et les affections pauvrement rendues, et les belles amitiés mortes de mes indifférences. Et ces millions de bonne paroles que j’aurais pu dire, et ces millions de bons sourires que j’aurais pu échanger, et ces innombrables actions, légères et faciles qui auraient aidé ou réjoui les autres.

Et autour de moi se resserraient les visions méchantes et accusatrices : je ne voyais qu’elles et elles éteignaient les lumières de ma vie.

Au plus fort de ma détresse, les lumières jaillirent aux électroliers… mais je ne repris pas mon livre, et dans la clarté, je continuai à réfléchir sérieusement et sans découragement. Il me semble que les retours sur le passé ne doivent servir qu’à éclairer l’avenir, et que l’aveu et le regret de nos faiblesses doivent préparer les progrès sincèrement résolus.

Nous sommes debout sur le rivage de cette mer dont les vagues sont des années. Elles accourent, se brisent et retombent, mais nous n’y prenons pas garde ; cependant, avec chaque vague la marée monte, et nous savons qu’elle nous atteindra et nous emportera… quand ?