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Dans l’obscurité de la rue et celle de la maison, le vent et la pluie avaient pris des voix lamentables, et les ombres, autour de moi, étaient tourmentées et inquiétantes. Peu à peu mon petit salon se transformait, et je n’osais bouger, envahie par une petite angoisse qui me serrait le cœur. Oh ! ce n’était pas la peur ! — je me vante volontiers d’être brave, — mais cela lui ressemblait singulièrement.

Tout en regardant l’écroulement progressif du brasier qui lançait des fusées d’étincelles, je prêtais l’oreille à mille bruits inusités et que dominaient tous les cris du vent qui grandissait, brisait les branches et faisait vibrer sur tous les tons les fils de téléphone. La cloche des morts se mit à clamer, lentement, un à un, ses glas qui se perdaient dans le bruit de la tempête, et à genoux, je retrouvai la sécurité avec mes âmes dont la prière me rapprochait.

Puis, de nouveau, je fixai la lueur du foyer que rien n’allumait plus. Est-ce parce que je m’appliquais à ne penser à rien que surgirent devant moi des visions de toutes les années de mon existence ? Ces visions n’observaient ni ordre, ni suite, elles paraissaient et s’évanouissaient ; elles venaient semblables à des ombres et elles s’effaçaient de même. Mais hélas ! elles n’étaient pas des apparitions réjouissantes. Chacune avait le visage fermé et froid d’actes égoïstes, négligents, lâches, qui m’avaient parus insigni-