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savoir ce que complotait Mamzelle Mélanie ! Elle osa même lui demander pourquoi elle était si affairée : — « Si on te le demande, ma petite, tu diras que tu ne le sais pas, » répondit la vieille en riant et en fermant la porte au nez de la curieuse.

Marie bombarda son oncle de questions, et finit par savoir ce qui l’intriguait si fort. Elle eut voulu aider la vieille fille, mais le curé s’y opposa ; Mamzelle Mélanie lui ayant fait clairement entendre qu’elle voulait s’arranger toute seule ! La pauvre femme cependant n’était pas sans inquiétude. Ses quatre piastres dépensées jusqu’au dernier sou n’avaient pas donné autant de bonbons et d’oranges qu’elle avait compté avoir, et quand elle refaisait le calcul de ses invitations et celui de ses petits sacs, un doute lui pinçait le cœur.

Le hasard voulut que lorsque Mamzelle Mélanie alla dévotement faire ses prières quotidiennes à l’église, Marie faisait les siennes dans le banc voisin. Or, c’était l’habitude de la vieille fille de ronronner ses prières à mi-voix, et la jeune fille entendit distinctement sa dernière supplique : « Mon doux Jésus, je n’ai plus un sou et j’ai peur de manquer de quoi, s’il vient beaucoup d’enfants. Vous qui avez si bien arrangé les choses aux noces de Cana, vous ne permettrez pas qu’un de mes petits soit désappointé ! Je me fie à vous, Ô bon Jésus ! »