Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, cinquième série, 1922.djvu/158

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’est rien, mais comme je n’en puis plus, vous voyez bien, mon Dieu, que je vous offre toutes mes forces. » — C’est beau, dit doucement la religieuse, dites encore pour que j’apprenne cette prière de l’homme saint et fort qui n’en pouvait plus !

Je n’oublierai jamais les minutes que je passai avec la petite Sœur. Si peu de mots entre nous, et cependant un contact si intime de nos âmes que j’ai eu l’impression de vivre une heure rare dans ma vie. J’entendais comme le dernier souffle sur la terre d’une âme presqu’échappée… et dans ce souffle passait la plainte poignante et muette d’une âme de lumière, mystérieusement tourmentée par l’abandon de ses forces et l’idée obsédante et pénible qu’elle n’était plus utile dans son couvent.

Il y a ainsi des âmes délicates et fermées qui ont besoin d’être dilatées dans la confiance ; craintives, elles reculent sans cesse dans l’ombre et le silence.

Revenant dans la neige glacée et tourbillonnante, je rêvais de mères spirituelles perspicaces et tendres qui ouvrent des bras maternels à ces enfants souffrantes et qui leur tiennent fortement la main pour leur faire traverser les couloirs sombres du découragement. Il y en a, je sais, mais, au couvent comme dans la famille il y a peut-être des mères tellement prises par la vie active, si énergiques et extérieures elles-mêmes, qu’elles sont aveugles sur les besoins