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lant. Les sonneries de glas, dans la brume matinale , font revivre ces jours d’angoisse où les cloches pleuraient tout le long du jour, tant et tant qu’il fallut les faire taire, et où les malades à peine morts étaient enlevés trop rapidement. La terreur était dans l’air ; les désespoirs des uns se heurtaient à l’égoïste frayeur des autres. La mort passait et tous se renfermaient. Elle entrait quand même partout : elle prenait les pères et les mères, elle vidait les berceaux, elle séparait les fiancés, elle envahissait les couvents et les collèges.

Rappelez-vous l’angoisse, les demeures fermées devant lesquelles on passait hâtivement, les nouvelles guettées avec angoisse et toujours plus inquiétantes, les interminables listes de morts dans les journaux.

Il y a un an de cela… si peu de temps ! pourquoi nous étonner que l’espace soit rempli de voix de l’autre monde ?

Les disparus voient-ils ce qu’ils sont devenus dans le cœur de ceux qu’ils aimaient ? Ô tristesse ! Combien de ces chagrins éphémères se sont effacés dans l’agitation des vies futiles ! Ceux qui sont partis cherchent-ils en vain les tendresses passées, voient-ils les visages aimés se détourner, et les volontés froides s’appliquer à effacer les souvenirs du passé ? Douze mois ont suffi pour les rayer de la vie des êtres chéris qui leur ont tant juré de les aimer toujours. Toujours ! C’est long pour les petits cœurs humains, et les