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Les heures passent trop vite dans la forêt bruissante que les petits « Suisses, » les perdrix, les insectes et les oiseaux remplissent de bavardages et d’appels. Comme tout est vivant ! On a peine à croire que dans quelques semaines ce sera l’hiver. Pendant que nous causons, le vent s’élève : il vient de loin avec un bruit de marée qui croît et décroît. Bientôt l’onde mystérieuse atteint la cime des arbres qui frissonnent, et peu à peu, tous, sapins, érables, tilleuls, chênes se mettent à vibrer d’un chant grave, lent, vieux comme le monde. — « C’est la prière du soir de la forêt, » dit mon amie. Et nous prions avec elle. Là-bas, au couchant vers lequel nous allons, le soleil, qui disparaît derrière les montagnes, strie le ciel de couleurs ardentes comme des reflets d’incendie. Le clocher de l’église se détache sur le fond, splendide comme un bijou étincelant, et le son adouci de l’angelus met une musique pieuse dans cette belle fin de jour. Comme ce serait impossible de nier Dieu quand II respire dans toute cette beauté du ciel et de la terre ! Il la prodigue et c’est le trop plein de son amour qui s’exprime dans ces couleurs, ces formes gracieuses jetées partout, moins pour manifester sa puissance que pour nous dire, de mille manières ingénieuses et délicates, qu’il s’occupe de nous et qu’il veut conquérir nos cœurs, nos pauvres cœurs errants, lassés et déçus, avides de perfections et de durée introuvables ailleurs qu’en Lui.