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jours été pauvre, mais j’ai toujours été passablement heureuse. Quand j’étais jeune, je dansais, je m’amusais avec les jeunes, et quand j’ai été vieille, j’en ai pris mon parti en riant : je tricote, je voisine… et je mange des pommes, ajouta-t-elle en clignant drôlement de l’œil.

Le bonheur voyez vous c’est un oiseau à grand’queue : quand il passe, si on l’a guetté, on peut toujours lui arracher quelques plumes. C’est plus sûr que d’attendre qu’il aille se percher sur la clôture pour le prendre tout rond… C’est pas dans ses habitudes de se laisser poigner. Je n’ai jamais regretté la joie que j’ai prise mais celle que je n’étais pas assez fine pour voir quand elle était près de moi.

On ne peut pas avoir tout ce qu’on veut et les choses ne vont jamais juste comme on les désire, mais si je suis décidée d’aimer ce que j’ai, j’aurai toujours ce que j’aime ! Et c’est vrai rapport au gens comme rapport aux choses. Il n’y a pas d’anges sur la terre, et au lieu de tant éplucher les défauts des autres, si on essayait de voir leurs qualités et d’en profiter… ça m’a réussi, vous savez, et j’ai toujours mangé les meilleures pommes les premières ! »