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comme une actrice de cinq sous ! Son père la reluque narquoisement. — Cré bateau ! qu’on s’est enjolivée, la Julie ! C’est pas pour dire, mais y a semblance que t’en as mis un peu trop ! —

Boudeuse, Julie grimpe dans la charrette sans répondre et ils partent aux joyeux aboiements du chien qui s’est chargé de tous les bonjours.

Marie, sur le seuil, regarde longtemps la poussière soulevée par le lourd véhicule. Elle aimerait bien aller quelquefois à Sorel, mais ce n’est jamais son tour et Julie lui a brutalement expliqué pourquoi hier.

— T’as pas d’orgueil de vouloir de montrer à la ville ! Pauvre fille ! tu ferais rire de toi ! —

Elle n’est pourtant pas ridicule, la petite Marie. À la suite d’un accident, elle boîte et elle a une hanche plus haute que l’autre, mais elle a un petit visage frais et rond que des yeux doux et rieurs éclairent comme des étoiles.

Elle secoue l’ombre du souvenir triste et elle se met avec ardeur au travail. Il y a les volailles à soigner, les vaches à traire, la cuisine et toute la maison à ranger et elle se hâte afin de profiter de son jour de congé. Elle pourra lire dans le livre de prix où est décrite la campagne qu’elle a sous les yeux et où sont presque photographiées ses voisines et elle-même.