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et du brouillard blanc s’emparant de la terre où rien ne bouge… pas même les vagues invisibles qui dorment. Les oiseaux et les enfants sont au nid, à peine distingue-t-on des lueurs vagues derrière des fenêtres closes qu’on ne voit pas. Suis-je donc la seule au village à braver l’énorme fantôme rampant, qui, inlassablement, s’avance ? Et voilà que de loin m’arrive le petit air de Schumann que j’aime, celui qui recommence sans cesse, plaintif, doux et monotone comme le regret des bonheurs rêvés.

Un silence… l’ouate blanche épaissit, et l’air recommence, sur le violon cette fois, avec le piano qui accompagne en sourdine. Dans l’étrange solitude voilée où rien de familier ne se dessine, j’écoute mes pensées transformées en esprits chanteurs qui reprennent l’air triste et doux pleurant les songes défunts.

Encore un profond silence après des arpèges tremblants, comme une chute d’ailes blessées. Que se disent donc les deux, qui, de la-haut, laissent descendre vers moi cette musique qui recommence encore ? Se souviendront-ils toujours de ce soir unique où peut-être le cœur de chacun eut besoin de la musique dans le brouillard pour se faire mieux comprendre ?

Le motif a été repris et interrompu plusieurs fois, puis dans les soupirs du violon, il est devenu si éteint, si lointain, que sûrement il