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nous pouvions entendre plus distinctement la grande lamentation humaine qui regrette sans cesse ce qu’elle a perdu et soupire en vain après l’inaccessible.

Et tous les secrets surpris ou confiés passent devant nos yeux : les déceptions de l’amour, les trahisons de l’amitié, les arrachements de la mort, l’étreinte brutale de la misère, les meilleurs élans repoussés, la lassitude de l’effort quotidien, l’inutilité des dévouements, le remords des choses faites, l’effroi des choses à faire ! Au milieu de cette houle qui monte, l’âme éperdue chancelle, touchée par le doute : cette vie est elle vraiment un bienfait ? Pourquoi toute cette souffrance imposée à des malheureux qui n’ont pas demandé à vivre ?

C’est une petite agonie dans les ténèbres… mais la cloche tinte et l’ange vient qui répond à la plainte et nous apporte la grâce. La grâce ! Le fluide mystérieux et divin, qui ranime et console, assure la foi, aide à dominer son mal et à vaincre le mal.

Nous sommes agités, bruyants, et la grâce nous est souvent offerte sans que nous nous en doutions, et elle passe… Et quand la tristesse de la vie nous accable, nous sentons notre faiblesse et nous nous laissons écraser… mais l’angélus sonne dans l’air silencieux, une petite source chante sur la pente d’un roc gris, ou c’est une parole ardente disant une profonde vérité, peut-être la plainte des feuilles agitées dans la nuit…