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transparante. Voilà que, dans le silence de l’immensité sauvage, arrive de très loin, apporté par le vent, le son affaibli de l’angélus dont la prière passe sur le monde : elle se mêle au mystère de la forêt, à la blancheur des routes indécises, au charme des montagnes baignées de brume bleutée et vaporeuse, et sa voix éveille en nous la pensée des choses éternelles. Car nous ne ressemblons pas à celui qui disait : « Mon bonheur, c’est de ne jamais penser à mon âme ! » — Quelle tristesse ! Comme il faut avoir gravement offensé les autres et s’être offensé soi-même pour en arriver là ! L’âme qui se repose dans la solitude ne se fuit pas et les cloches du soir évoquent pour elle le bon souvenir de ceux qu’elle aimait et dont les yeux adorés ne pleurent plus ces larmes qui brûlent les paupières et le cœur.

La cloche si lointaine, flottante comme un rêve, grave comme un adieu, nous dit que nous sommes tous des passants sur la terre, que nous nous inquiétons de bien des choses vaines, que Dieu veille et nous aime, même quand nous sommes tristes de nous croire abandonnés. Car il y a des heures, que nous connaissons tous, où nous sentons davantage le poids de la chaîne, où les confidences de tant de cœurs torturés nous accablent, et il semble que les lames les plus aiguisées de la douleur séparent les chairs, le cœur et l’esprit. C’est comme si, en s’éloignant du bruit et du tumulte de l’existence agitée,