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Il y a toujours dans le présent, des beautés que nous ne pouvons apprécier, car elles apparaissent au milieu des soucis, des tracas, de l’agitation, du désordre de nos vies mouvementées… alors ces beautés semblent glisser inaperçues, mais elles ne sont pas perdues ; la mémoire attentive les retient et nous les donne plus tard, et leur lumière éclaire nos obscurités. C’est la mémoire qui imprime sur nos pensées et sur nos actes le sceau de leur valeur réelle : ce qu’elle a dédaigné était insignifiant, nous n’y avions rien mis de notre âme profonde, bonne ou mauvaise.

Par contre, elle a recueilli le souvenir des jours qui nous parurent vides et ternes, et voilà que nous les retrouvons étrangement transformés et nous acheminant vers les résolutions fortes et décisives. Si nous ne sommes pas très attentifs, nous ne soupçonnons même pas tout ce que la mémoire fait pour nous. Elle est une Puissance en nous, tout à fait indépendante de notre pauvre petite logique : sa logique, à elle, est plus subtile et plus juste, car elle n’a aucun de nos calculs mesquins. Elle tire ses inspirations de nos intérêts véritables que nous méconnaissons trop souvent. Son action lente témoigne d’une telle sagesse, qu’il est impossible de ne pas la voir comme un don divin, un refuge merveilleux où nous pouvons oublier nos dégoûts, nos grandes fatigues, nos déceptions, tout le triste du présent où nous lut-