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et conclut à sa grâce. Le Pape, si bon, nous dit-on, refuse malgré le doute !  ! et Locatelli est pendu ! Cette impitoyable manière de régler une question découle sensiblement de la manière dont on a l’habitude de les poser. Devant la justice romaine on est toujours présumé coupable. Il n’y a que la mauvaise et faillible justice laïque qui présume l’innocence de l’accusé.

Monti et Tognetti ne voient pas les témoins qui déposent contre eux et ne connaissent pas même leur noms. Ils se défendent dans le vide, les dépositions ne portant que des numéros. Donc pas de transquestion, donc pas de défense qui mérite ce nom ! Et conséquemment moquerie de toute justice ! Ne pouvant éclaircir une question ainsi posée, ils sont pendus !  ! Simple manière romaine de poser la question !

De même on condamne l’Institut sans l’informer qu’il est accusé ! Voilà sans contredit la plus sûre de toutes les manières de poser une question contre quelqu’un : le principal intéressé n’en a seulement pas connaissance ! Cela vaut encore bien mieux que les témoins inconnus à l’accusé. Aussi je comprends mieux que jamais à présent la condamnation. Et je dois ici offrir mes plus sincères remercîments aux deux prêtres qui ont pris la peine de nous expliquer avec tant de complaisance : 1o Comment on peut se faire louer soi même à Rome ; 2o Comment on peut y faire condamner les autres sans qu’ils en aient connaissance ! Il s’agit seulement que connaître le bon moyen. Avis donc aux condamnés passés et futurs !

Je serais réellement très curieux, Mgr, de savoir quel ennemi de Rome, quel libre-penseur, quel impie même, a jamais mis autant d’hostilité que ces deux prêtres ont mis de gaucherie à dévoiler dans un milieu comme celui-ci les vices inhérents à la justice romaine ? Pour nuire à leurs adversaires, prêtres aussi, et sans songer un moment à la portée réelle de coups qui n’étaient destinés qu’à produire un effet tout local et tout personnel, ils sont venus impitoyablement nous montrer tout le système de la curie romaine dans sa triste nudité.

Prodigieuse inadvertance ? On nous informe un jour combien on est heureux de voir porter une affaire devant l’infaillible tribunal de Rome — était-il bien infaillible dans les cas de Locatelli, Monti et Tognetti, avec la procédure que nous connaissons ? — et voilà que dans un autre No on nous dit : « Ah bah ! l’Archevêque n’a obtenu ce télégramme qu’en posant la question comme il lui a plu. » Et un autre prêtre nous dit aussi : « Ah bah ! l’on sait comment s’obtiennent à Rome les approbations comme celle que le Révérend M. Paquet a extorquée ! » Et puis l’on se plaît à nous décrire avec une complaisance infinie les bons tours que l’on peut jouer aux membres des saintes congrégations pour leur arracher subrepticement une approbation qui aurait dû être un blâme !  ! C’est tel arrangement de mots, telle manœuvre, telle intrigue, qui a trompé le bon cardinal, ou le saint consulteur, ou les madrés rédacteurs Jésuites de la Civiltà ! Mais on obtient donc ce que l’on veut à Rome avec de l’intrigue ! Voilà certes de très singuliers certificats d’infaillibilité ! Mais comment donc des prêtres peuvent-ils parler sur ce ton des hommes qui, dans une capacité ou une autre, tiennent de si près à ce tribunal infaillible, et l’aident par leur travail à former ses décisions ? Ils seraient payés pour montrer que pratiquement il ne l’est pas qu’ils ne pourraient mieux faire !

Et puis pourquoi nous parler sans cesse de l’infaillible tribunal de Rome dans les questions de pur litige d’Évêque à Évêque, ou de laïcs à l’ecclésiastiques ? Ce n’est certainement pas le Pape qui juge toutes ces questions car vingt papes ne suffiraient pas à les examiner. Il n’y a pas le quart des affaires qui se jugent à Rome qui obtiennent une approbation du Pape accompagnée d’examen personnel des pièces. Le pape ne lit pas la dixième partie des rapports des saintes congrégations pour l’excellente raison qu’il faut une certaine somme de temps