Page:Dessaulles - La Grande Guerre ecclésiastique. La Comédie infernale et les noces d’or. La suprématie ecclésiastique sur l’ordre temporel, 1873.djvu/78

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 68 —

prêtres, le Révd. M. Paquet s’est fait élever aux nues quand il aurait dû être condamné ; et avec de l’adresse encore, suivant l’autre, l’Archevêque a fait condamner V. G. qui ne le méritait pas ! Qu’est ce donc alors qui nous empêche de croire que c’est tout simplement avec de l’adresse aussi que V. G. a obtenu le décret contre l’Institut ? Ce décret est la vraie quintessence de l’injustice puisqu’on y condamne des absents non informés qu’on va les juger. La conscience n’a donc rien eu à voir dans sa rédaction. Il faut donc de toute nécessité retomber sur l’adresse de l’accusateur et la complicité du juge !

Au reste je dois dire ici que nous avions très bien prévu ce qui nous est arrivé. Quand la question d’aller à Rome s’est présentée, plusieurs d’entre nous en ont contesté l’utilité, disant qu’il était complètement illusoire d’espérer d’y obtenir justice ; que les ecclésiastiques avaient quelque fois chance d’y être écoutés contre leurs supérieurs, mais les laïcs à peu près jamais ; que V. G. en disant seulement qu’Elle avait affaire à des libéraux, rendrait sa cause bonne quelle qu’elle fût, et la nôtre mauvaise quelque plausible que fussent nos raisons. À cela plusieurs répondirent qu’ils ne voyaient dans ces graves objections qu’une raison de plus en faveur d’un appel, et que si tel était l’état des choses à Rome, si les saintes congrégations n’offraient aucune garantie de justice impartiale, si un Évêque devait y être soutenu à l’encontre non seulement de la justice et de la raison, mais encore de la pratique consacrée dans tous les pays catholiques éclairés, autant valait savoir de suite à quoi s’en tenir et montrer d’une manière tangible, pratique, les prodigieux vices de la justice romaine, si souvent décrits par tant d’écrivains catholiques éminents. Nous décidâmes donc en faveur de l’appel, non pas avec l’espoir sérieux d’obtenir justice, mais avec l’intention bien arrêtée de convaincre le public qu’il était inutile de l’espérer. Et jamais prévision ne s’est plus complètement réalisée. On a tranquillement mis la question en appel de côté, on ne l’a jamais décidée, et l’on a rendu un décret qui porte sur une question nouvelle, une accusation différente, dont les intéressés n’ont jamais eu la moindre notification, et qui a été décidée contre eux sans qu’ils aient pu se défendre et combattre leur accusateur ! Il valait certes la peine d’aller à Rome pour prouver sans dénégation possible qu’il ne s’y agit jamais de justice mais d’influence hiérarchique et de tactique de parti. Et V. G. a eu le courage de venir affirmer ici que l’appel était décidé contre nous quand le décret lui-même faisait foi que la question référée avait été écartée au lieu d’être jugée ! Les hommes instruits comprennent cela parfaitement et nous donnent raison. Ceux qui nous donnent le tort sont les ignorants, ou les hypocrites, ou ceux qui n’examinent jamais les choses par eux-mêmes, ou ceux qui nous blâment par pur parti pris et sans rien comprendre à la question ; ou enfin ceux qui ne veulent pas étudier la question parce qu’ils la comprendraient trop.

Tout dépend donc, à Rome, de la manière de poser la question. C’est sans doute par la seule manière de poser la question que les 326 exécutés des états du Pape en 1850 et 51 ont vu décider de leur vie ou de leur mort. On a posé la question en ne leur permettant pas de choisir, ou même en certain cas d’avoir un avocat, ni de connaître les témoins à charge, ni de les transquestionner, et le résultat a été tel qu’on pouvait le prévoir. S’ils avaient eux-mêmes posé la question, ils n’auraient pas été pendus ; mais on l’a posée pour eux de la manière voulue pour les pendre, et naturellement ils ont été pendus. Et que Votre Grandeur ne dise pas que je fais ici du sophisme ou du persifflage à plaisir, car les cas de Locatelli, et de Monti et Tognetti, sont là pour montrer comment la justice romaine procède. Mgr Sagretti, président du tribunal qui a condamné Locatelli, va lui-même informer le Pape qu’il y a beaucoup de doute sur l’identité du condamné à cause de l’obscurité au moment de la bagarre