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en dépit des défenses du Rituel, à propos de l’exécution d’un assassin ; tout ce déploiement de zèle en faveur des criminels, quand on hésite si peu à maltraiter les honnêtes gens, ont souvent fait dire à bien des personnes du peuple : « Bah ! le meilleur moyen pour nous de mourir avec les grands honneurs, c’est d’assassiner un homme. » N’aurait-il pas autant valu ne pas créer cette impression, Mgr ?

Certes nous voilà loin de l’époque où l’on refusait la confession aux criminels ! C’était sans doute une abomination, mais combien a-t-il fallu de prescriptions énergiques de Conciles pour la faire cesser ? V. G. n’ignore pas non plus que le pape Nicolas v, au milieu du 15me siècle, refusa inflexiblement la confession à Etienne Porcaro et ses complices, qui la demandaient instamment, afin d’ajouter la torture morale à la torture physique ! Je ne veux certes pas justifier cette infamie, et bien mieux vaut sans doute l’excès dans l’autre sens ; mais le mieux ne serait-il pas de ne tomber dans aucun excès, soit de cruauté soit de zèle, et tout en remplissant un devoir envers un criminel mourant, de ne pas lui faire les splendides apothéoses que nous avons vues ? Ne vaut-il pas mieux ne faire que ce qui est juste et convenable ? Or il n’est pas convenable de promettre à haute voix le Ciel à un criminel en présence d’une foule quand c’est Dieu seul et non le prêtre qui peut le lui donner.

Mais que disait donc, à propos des livres à l’index, l’un des collègues de V. G. à quelqu’un qui lui demandait de poser des règles relativement à la possession ou à la lecture de ces livres ? « Mais elles existent les règles, répondit-il, et je n’y puis rien changer ni en faire de nouvelles. Il faut tout simplement savoir les appliquer avec un certain discernement. Si j’allais fouiller les rayons de toutes les bibliothèques de mon diocèse, je pourrais bien, en toute probabilité, trouver à reprendre ici ou là, mais en somme je ferais peut-être plus de mal que de bien. »

Voilà le grand mot, Mgr ! Voilà la grande chose requise dans toutes les situations. Il faut mettre en tout le discernement voulu. Et V. G. n’a malheureusement pas encore compris que le système de compression inexorable qu’Elle a adopté n’a fait que soulever des haines là où un peu de discernement eût créé des adhésions. Elle a eu le malheur d’agir au point de vue étroit du moine, et non au point de vue plus large de l’Évêque éclairé.

Au reste, ce qui vient de se passer à propos des noces d’or de V. G. nous donne parfaitement la clé de sa conduite à notre égard. Elle a si complètement manqué à toutes les convenances envers l’Archevêque d’abord, et aussi envers les autres Évêques et les prêtres invités à la cérémonie, qu’il n’est plus du tout surprenant pour nous qu’Elle ait si fortement violé à notre égard toutes les règles de la prudence, de la charité et de la justice. Elle semble croire quelquefois qu’il ne doit pas y avoir d’autre loi que sa volonté.

Systématiquement injuste envers nous dès l’origine ; violant à la fois tous les préceptes du devoir et de la charité pastorale ; ne revenant jamais d’une première impression ou d’une idée préconçue ; infligeant la censure acerbe aux uns pour posséder des livres à l’index, et laissant tranquilles les autres qui sont dans le même cas ; appliquant ces censures d’une manière tout-à-fait arbitraire et sans aucune monition ni procédure canonique ; — ce qui s’explique peut-être par l’observation que me faisait un prêtre étranger de très grand savoir ; que V. G. n’avait pas la première teinture du droit canonique ; — indulgente pour le vice confessé mais implacable pour l’honnêteté indépendante ; protégeant ou acceptant l’hypocrite à condition qu’il se montre très soumis d’esprit, et vilipendant sans merci dans ses mandements l’homme sincère qui résiste à des exigences évidemment exagérées ; les membres de l’Institut voyaient bien quel était le vrai mobile de V. G. à leur égard, mais la population ne pouvait croire à des motifs d’un ordre répréhensible chez Elle ; et elle attribuait ses sévérités outrées, et qui par-