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la franchise que V. G. commandait aux confesseurs d’agir sur les femmes pour dominer les hommes !  ! Si c’est là la religion bien entendue, il est certain que le christianisme a subsisté bien des siècles dans d’épaisses ténèbres ! Et si V. G. a raison, St. Pierre était dans une bien profonde erreur quand il réprouvait si nettement la contrainte forcée.

V. G. a fait entrer la guerre et la discorde dans plus d’une famille parfaitement unie auparavant. Mais qu’est-ce que la discorde dans les familles pour le prêtre dominateur qui veut gagner son point et établir la suprématie du sacerdoce ? Que lui fait l’hypocrisie imposée quand il paraît, aux yeux de la masse, avoir dompté une volonté ? V. G. a mis la guerre dans plusieurs familles parceque l’Institut possède des livres, à l’index sans doute, mais qui se trouvent dans toutes les bibliothèques du monde civilisé et dont les Évêques ne disent rien, c’est-à-dire dont ils n’excommunient pas les propriétaires. Serait-elle donc le seul Évêque sensé au monde ? le seul fidèle à son devoir ? le seul qui ne se tromperait pas ? Mais ne voyons nous pas V. G. se tromper gravement tous les jours ?

Quand des théologiens instruits m’ont dit, ou ont dit à plusieurs de mes amis : « Mais il y a d’excellents livres qui sont à l’index, » il n’est donc pas vrai d’affirmer que garder seulement chez soi un livre à l’index c’est se rendre passible de refus d’absolution à la mort. Quand V. G. a dit cela dans une lettre pastorale, et sans faire les distinctions qu’Elle savait être nécessaires, ou Elle se trompait gravement, ou Elle trompait ceux à qui Elle s’addressait comme pasteur des âmes. Si ce qu’Elle nous a dit était vrai, Beauregard et les autres assassins en faveur desquels on a fait tant de mise en scène religieuse sur leurs échafauds seraient donc des anges comparés à celui qui aurait chez lui les « Paroles d’un croyant, » ou le « Voyage en Orient, » ou le « Traité du mariage « de Pothier, ou les œuvres de Sismondi ! Ne serait-ce pas là plutôt, Mgr, de la morale à mettre à l’index ? Il me semble à moi en toute sincérité, qu’en bonne religion comme en bonne morale, il est hautement répréhensible de profiter du peu de lumières d’une population pour lui donner un pareil enseignement.

Quand un prêtre de cette ville disait aux assassins Desforges et Marie Crispin : « Souvenez-vous, mes enfants, que quand cette trappe tombera, c’est la porte du Ciel qui s’ouvrira pour vous ! » il n’a fait que scandaliser gravement les gens sensés et sincèrement religieux. La chose eût été très belle addressée à des martyrs de leur foi ou de leurs opinions, mais addressée à des coquins expiant en ce monde d’abominables crimes, elle a paru presque blasphématoire pour l’excellente raison que des actes extérieurs de religion ne sont pas une preuve que Dieu a déjà pardonné. Il a probablement lui aussi son mot à dire au criminel ; et aucun homme de bon sens ne peut croire que quelques prières tiennent lieu d’expiation et transportent tout à coup devant Dieu le criminel et l’infâme ! Le prêtre ne voit pas le fond du cœur et ne peut jamais savoir si l’expiation dans l’autre vie est devenue de surérogation. Il n’avait donc pas le droit de dire que la trappe de l’échafaud fût la porte du Ciel pour deux malfaiteurs confessés sans doute, mais que Dieu seul pouvait savoir être repentants.

Et pourtant, d’après l’étrange doctrine de V. G. sur la possession des livres à l’index, ce même prêtre aurait pu dire à un mourant possédant un de ces livres, même l’un des bons d’après les théologiens que l’esprit de parti ou de domination n’aveugle pas : « Pour vous, mon frère, qui n’avez ni volé ni assassiné, je ne vois guère d’autre perspective que l’enfer, car ayant chez vous un livre à l’index, je puis beaucoup moins vous donner l’absolution qu’aux assassins Desforges et Marie Crispin. Eux n’ont tué qu’un homme, mais vous avez un livre défendu ! ! ! » Singulière religion et singulière morale que celle-là, Mgr !

Au reste, ces grandioses cérémonies,