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toujours un mensonge aux faits et une duperie à l’adresse des ignorants que d’affirmer le fait de la condamnation des membres catholiques de l’Institut. On l’a fait avec la passion de l’esprit de parti, mais on eût fait le contraire si l’on eût été guidé par l’esprit de sincérité. Pour condamner les membres catholiques de l’Institut il fallait de toute nécessité que la congrégation de l’index leur dit : « Nous condamnons chez vous ce que nous n’osons condamner nulle part ailleurs. » Voilà pourquoi l’on n’a pas soufflé mot de la question ! Ah ! si l’Institut avait eu la bourse du Séminaire, les choses eussent peut-être tourné bien différemment !

Au reste, j’ai vu mieux que personne, par les colères qu’éprouvaient ceux des membres de l’Institut qui, poussés à bout par les obsessions de leurs femmes, ou de leurs mères, ou de leurs sœurs ; obsessions qui étaient commandées à celles-ci au confessionnal, et qui se résumaient presqu’à chaque heure, à la maison, dans ces observations aigres-douces que les femmes qui s’abandonnent aveuglément à la direction d’un confesseur intrigant savent glisser à propos de tout dans les conversations de la table ou de la veillée ; obsessions enfin qui, pour quelques uns d’entre eux devenaient des piqûres de chaque minute de la vie de famille et produisaient constamment des querelles et des refroidissements entre parents ; j’ai vu, dis-je, par les colères manifestées par ceux qui, étant ainsi le point de mire de la pression sacerdotale, hésitaient entre leur indépendance au dehors et la paix à la maison, j’ai vu quel odieux système V. G. a intronisé parmi nous.

Plusieurs ont du céder quoique convaincus en eux-mêmes de l’injustice de la tyrannie exercée sur eux par V. G. au moyen de femmes plus pieuses qu’éclairées ; mais quel était l’effet produit sur eux ?

« Oui je cède, pour ne pas être constamment en guerre à la maison, mais les… s’en souviendront un jour ! Mais voyez ma position ! Ma pauvre mère ne me laisse pas de paix. On l’a persuadée que je suis damné sans retour. Son confesseur va jusqu’à lui dire qu’il lui donne l’absolution avec terreur quand il la voit permettre à son fils de fréquenter l’Institut ! Il lui affirme craindre que ses communions ne soient quelque peu entachées puisqu’il y a un bien qu’elle peut faire, — me forcer de résigner — et qu’elle semble négliger. Cela met la pauvre femme au désespoir, et elle se croit presqu’aussi damnée que moi. Elle me fait des scènes de pleurs chaque fois qu’elle revient de confesse, et tout ce que son confesseur lui dit à mon sujet la rend profondément malheureuse ! J’ai d’un autre côté un vieil oncle que l’on a embéguiné il y a à peine un an et qui me jure par tous les saints du paradis qu’il ne me donnera jamais rien si je persiste à désobéir « à nos saints supérieurs. » Que feriez-vous à ma place ? Ma vie est une lutte de tous les instants contre des personnes que j’aime, mais que l’on a fanatisées au delà de toute expression, et chez lesquelles un sentiment de religion malentendue fait taire tout autre sentiment. »

Voilà ce que l’on m’a dit plus d’une fois, avec certaines variantes de situation. Et je conseillais naturellement à la victime d’un fanatisme plus arrogant qu’aveugle de laisser l’Institut puisqu’elle se trouvait dans un milieu si profondément bouleversé par la direction spirituelle. Et alors on me disait : « Ah ça, comptez toujours sur moi comme un de vos amis, et soyez sûr que quand vous aurez besoin de souscriptions, je ne resterai pas en arrière des autres. Je reste membre de cœur, rappelez-vous en bien. »

Voilà tout le résultat obtenu par V. G. On a sans doute cédé quelquefois sous une pression rendue puissante en fanatisant les familles, mais la colère reste au cœur de celui qui se trouve ainsi circonvenu et forcé de subir une volonté extérieure et despotique. Et en dernière analyse, c’était encore ici l’hypocrisie imposée par force majeure, les gens professant être ce qu’il n’étaient pas. Et c’est pour produire toutes ces violations de la sincérité et