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non, apparemment, de donner des exemples de sincérité. Un pareil exemple suivi de réconciliation cordiale explique bien des choses. On n’a pas oublié non plus cette honnête tactique qui lui a valu les épithètes d’hypocrite et de fourbe de la part de membres se disant archi-catholiques. On n’a pas oublié non plus avec quel sans gêne le révérend chapelain a signifié à l’association que si l’on était récalcitrant, le collège des Jésuites reprendrait ses livres, (achetés en grande partie, s’il vous plaît, au moyen des souscriptions des membres et du public) et que les membres de l’association seraient les bienvenus à s’aller promener où bon leur semblerait, mais veufs de leur bibliothèque. On n’a pas oublié enfin les énergiques protestations qui se sont élevées au sein du corps contre cette loyale tentative de mettre la main sur une bibliothèque déjà importante, et quelles anti-chrétiennes apostrophes furent lancées en pleine salle au susdit chapelain quoiqu’on fût en plein centre catholique !  ! Et puis, singulière allure des choses humaines, on a vu le vent de la discorde cesser peu à peu de souffler, la grande tempête s’appaiser, les épithètes anti-évangéliques se changer soudainement en compliments affectueux, et maintenant nous voyons avec une profonde édification les anciens adversaires s’encenser réciproquement avec la plus ravissante cordialité chrétienne ! L’affaire de la lettre n’est plus qu’un innocent petit tour du bon père, et les formidables apostrophes qu’il a reçues un petit moment de vivacité pieuse qui ne tire pas à conséquence entre gens bourrés de bons principes.

Ces luttes, Mgr, nous ont montré, à nous membres de l’Institut si chrétiennement traités par V. G. et qui tout impies que l’on nous dise être, ne nous sommes jamais traités entre nous d’hypocrites et de fourbes pour l’excellente raison que nous ne connaissons personne dans l’Institut à qui ces expressions soient applicables ; ces luttes, dis-je, et ces vives querelles de ménage entre parfaits nous ont montré à quoi peut servir un chapelain intrigant et bien dressé. Mais je dois dire aussi qu’elles nous ont inspiré un petit préjugé contre cette catégorie de chapelains.

Dès que les membres de l’association en question ont voulu tant soit peu s’affirmer, se soustraire au contrôle obligé, et naviguer, très prudemment pourtant, au-delà du cercle tracé, le révérend chapelain a eu bien vite énergiquement mis le holà. Alors quelques colères ont éclaté, quelques payennes épithètes ont fait frissonner les orthodoxes voûtes ; quelques résistances se sont fait jour, le tout pour rentrer inopinément dans le calme plat sous la pression que l’on devine sans être sorcier, et les jeunes gens sont redevenus bons enfants bien dociles et bien sages. On a tranquillement repris l’agréable direction d’autrefois qui consiste à bien dépouiller cette jeunesse de toute indépendance de caractère et de tout esprit d’initiative, et à lui faire pastoralement parcourir les sentiers fleuris de l’obéissance passive ou peu s’en faut. On la dirige dans ses discussions et dans ses lectures de manière à lui inspirer une salutaire horreur de tout le droit moderne, de toute la fausse science de l’époque qui est dirigée par l’enfer au point de n’accepter que les faits démontrés sans se préoccuper de leur portée sur tel ou tel système, et enfin une hostilité décidée à tout véritable savoir historique. On lui défend toute étude et toute recherche qui sort du large champ d’idées que l’on reconnaît à M. le chapelain,[1] on lui recommande fortement les livres qui ont été écrits pour falsifier l’histoire et les faits, on la façonne ainsi paternellement au joug ecclésiastique, et quand on lui a bien appris comment penser d’une manière et agir de l’autre, on s’applaudit du bien que l’on a fait à la religion et à la patrie !  !

Voilà, Mgr, la direction dont nous ne voulons pas, à l’Institut. Et quand nous voyons une jeunesse dressée avec tant de sollicitude traiter son

  1. Ce chapelain a été envoyé ailleurs il y a trois mois.