Page:Dessaulles - La Grande Guerre ecclésiastique. La Comédie infernale et les noces d’or. La suprématie ecclésiastique sur l’ordre temporel, 1873.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 34 —

terribles responsabilités que la très-sainte curie assumait aux yeux du monde et en présence de Dieu »

Il faut donc toujours parler, Mgr, surtout quand les supérieurs ecclésiastiques sont bien plus occupés des intérêts de la hiérarchie que de la justice envers autrui. Et j’ose espérer, qu’après ces illustres exemples, V. G. ne me reprochera pas mon insistance à lui dire la vérité. Il m’est certainement plus permis de faire des représentations exigées par les circonstances et par les inconcevables écarts de certains prêtres, qu’il ne l’est à V. G. de s’obstiner à repousser, ou à éluder sous les plus futiles prétextes et par des fins de non recevoir qui font pitié à un homme d’affaires, un jugement définitif de ses supérieurs. Votre Grandeur étant de ceux qui ont aveuglément consenti à concentrer entre les mains du Pape tous les pouvoirs de l’épiscopat, et cela au point de ravaler pratiquement l’épiscopat comme corps à n’être plus qu’une institution de droit ecclésiastique et non de droit divin, Elle devrait au moins montrer avec empressement l’exemple de la soumission aveugle qu’elle exige des autres.

J’ai enfin une autre raison que je regarde comme très péremptoire.

Au moyen de l’intimidation ecclésiastique, de l’abus de l’influence qu’Elle possède comme Évêque dans une population façonnée de longue main à l’adulation des personnes ecclésiastiques ; au moyen de cette éternelle et anti-chrétienne tactique des clergés ultramontains d’obliger les consciences ignorantes aussi bien sur les questions de l’ordre temporel que sur celles de l’ordre spirituel ; au moyen enfin des refus d’absolution que V. G. sous un faux prétexte de religion, ordonnait à son Clergé de faire à ceux qui recevaient un journal dont la politique ne lui convenait pas, et qu’Elle prétendait être immoral simplement pour colorer d’un prétexte spécieux une hostilité que rien de sérieux ne motivait (ce que prouvent de reste les sept longues lettres si malheureuses de fond et de forme qu’elle adressait en 1862 à la rédaction du Pays); Votre Grandeur a réussi à bâillonner moralement la presse locale en effrayant les journalistes. Ceux-ci, ayant affaire à des abonnés dont la majorité a été faite esclave au point d’accepter comme vérité de salut la très fausse idée que l’on ne doit pas résister publiquement au prêtre même quand il s’égare, ont cru de bonne tactique de céder momentanément sous une pression cléricale dont le caractère essentiel était l’antagonisme implacable contre toute indépendance de caractère et toute liberté de penser en dehors du cercle étroit de l’index. Cette incompréhensible tactique de reculade devant une tyrannie morale qui a eu dans ce pays une si désastreuse influence sur l’ordre politique et la prospérité générale, ne leur a servi qu’à se faire écraser de plus en plus, et à voir le Clergé se moquer d’eux par dessus le marché. « Nous les avons fait taire, profitons en. » Voilà non-seulement ce qui se dit mais ce qui se fait. Et les journalistes ne tarderont pas à s’apercevoir qu’ils n’ont abouti qu’à laisser river sur notre peuple une chaîne qu’il ne brisera qu’après des luttes sérieuses, terribles peut-être, mais inévitables aux yeux de ceux qui peuvent apercevoir quelque chose au delà de l’horizon du jour. Car jamais encore on n’a réussi, sous quelque système que ce soit, a asservir définitivement la pensée humaine, le plus grand de tous les dons de Dieu. On n’y a réussi qu’en partie quand on forçait les gouvernements, par la crainte de l’excommunication, à se faire persécuteurs et bourreaux ; et je ne vois guère comment on pourrait y arriver aujourd’hui que le laïcisme laisse loin de lui en fait d’intelligence et de savoir le corps qui l’a si longtemps maintenu dans l’ignorance ; aujourd’hui surtout que les gouvernements savent enfin revendiquer leur pleine indépendance vis-à-vis de ce même corps qui les contrôlait autrefois avec tant d’arrogance et d’ambition. Et l’histoire est là pour montrer que plus la compression cléricale est illégitime dans ses moyens comme dans son but, plus les réactions qu’elle