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serait tenu de juger contre la loi ; un tuteur ne devrait pas placer à intérêt les capitaux des mineurs dont il administre les biens :

15o Que les Ecclésiastiques sont essentiellement sujets du Pape et lui sont fondamentalement soumis en tout ordre de choses ; et qu’ils doivent faire passer leur obligation de lui obéir passivement avant leurs droits ou leurs devoirs de citoyens du pays de leur naissance, ou des pays où ils vivent sous la protection de la loi : — Toujours le droit chrétien du Nouveau Monde !

16o Que le Pape ne pouvant se réconcilier avec la Civilisation moderne et le progrès, il faut, chaque fois qu’un pape, ou un théologien qu’on nous qualifiera d’illustre, déclarera l’une des conquêtes de la civilisation hostile à la suprématie du Clergé sur le temporel, mettre cette conquête au panier et changer les lois qui déplaisent au Pape ou aux théologiens illustres ou non !

Voilà, Mgr, une très petite partie des conséquences qui découleraient pour un peuple de la reconnaissance du droit que réclame la Cour de Rome de contrôler les gouvernements dans le détail infini de leurs devoirs et de leurs attributions. Voilà ce qui nous arriverait si nous acceptions le droit chrétien que le Nouveau Monde nous offre en se donnant bien garde de le présenter tel qu’il est. V. G. croirait-elle vraiment qu’il existe un gouvernement au monde prêt à admettre toutes ou seulement quelques-unes de ces prétentions ? S’il est vraiment des ecclésiastiques, à Rome ou ailleurs, qui le pensent, cela ne fait que démontrer péremptoirement leur complète incompétence à régir les sociétés aussi bien que leur entière ignorance des vrais principes du droit public.

Ces prétentions n’excitent aujourd’hui que le rire. Malheur à ceux qui ne le comprennent pas !

Votre Grandeur croirait elle aussi par hazard, que les laïcs prennent au sérieux cette tentative de l’Épiscopat canadien recevant l’impulsion de Rome — qui me fait un peu, entre parenthèse, l’effet de vouloir faire ici des expériences in animá vili — de soumettre les détails de nos institutions politiques, de notre législation et de notre politique locale, au contrôle des membres des congrégations romaines ? Si V. G., et surtout l’épiscopat canadien, le pensez, il est temps, je crois, que l’on se détrompe. Quel est l’homme sensé en Canada ou ailleurs qui consentira à regarder comme nécessairement sages les décisions d’hommes qui ne comprennent ni notre Constitution, ni le principe générateur de nos lois, ni les circonstances locales, ni les principes généraux de gouvernement ou d’administration, ni surtout les nécessités de l’époque ! Mais ces hommes sont ceux là même qui, avec la Civiltà Cattolica pour organe officiel, commencent par nous signifier que nos Parlements et nos Municipalités sont d’horribles choses que l’on ne saurait comparer qu’aux os décharnés d’Ezéchiel !  ! Voilà les hommes dont on veut faire nos guides ! Mais quand donc comprendra-t-on, pour l’amour de Dieu, que des hommes qui nous affirment les mains jointes avoir renoncé au monde, et vouloir continuer de lui rester étrangers, quand donc comprendra t-on que ces hommes, pour ne pas fausser le plus simple bon sens, devraient aussi renoncer à régir le monde ? Quoi ! le monde n’est pas digne de vous et vous seuls devez le gouverner ! N’y renoncez vous donc que de bouche ? Toute votre conduite semble vraiment le démontrer !

Il ne faut pas prendre, Mgr, pour l’expression de l’opinion publique les hypocrisies de quelques journalistes qui parlent de soumission entière aux Évêques s’il demandent telle loi qu’il leur plaira à la Législature, et qui nous affirment même que c’est une obligation d’aller au devant de leurs désirs. Ces jeunes écrivains qui sortent tout frais de collèges où trop souvent on les persuade que l’homme n’a pas reçu une raison pour s’en servir, ont adopté ce moyen de faire leur cour à la puissance ecclésiastique, qui ouvre tant de portes en Canada ! Ils font ainsi leur petite besogne d’avancement per-