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montrant où et comment ils s’étaient trompés ; ils n’avaient donc pas dans leur conscience le droit de se rallier sans explication aucune à ce qu’ils ont si clairement démontré être faux en doctrine. Que les motifs soient respectables je ne le conteste pas, mais que l’acte soit injustifiable en saine raison et en conscience éclairée, je ne vois pas trop sur quoi on peut le nier. Et je ne vois pas de meilleure preuve de ce que je maintiens ici que les raisons même auxquelles les feuilles religieuses ont recours pour justifier des adhésions que leurs auteurs eux-mêmes n’ont pas motivées parce qu’il eût été impossible de le faire d’une manière satisfaisante pour le public et pour eux-mêmes.

Galilée aussi a dû adhérer, sous la pression de l’inexorable et odieux système inquisitorial, à la belle doctrine de l’hérésie du mouvement de la terre. En croyait-il moins dans sa conscience que la terre tournât ? Il venait de le démontrer irréfutablement ! Et la terre a-t-elle cessé de tourner parce que les membres de l’Inquisition, qui savaient parfaitement qu’elle tournait, croyaient la religion intéressée à ce que le vulgaire la crût immobile, et ont pour cette raison forcé Galilée de déclarer qu’elle ne tournait pas ? Son adhésion sans explication détruisait-elle sa démonstration ? Il en est ainsi des Évêques qui ont donné leur adhésion silencieuse à une doctrine qu’ils avaient péremptoirement démontrée être en opposition avec toute la tradition chrétienne. Leur adhésion sans explication ne détruit pas leurs démonstrations, et n’empêche pas plus la tradition de rester ce qu’elle est que l’abjuration de Galilée n’a empêché la terre de tourner. L’adhésion silencieuse des Évêques à une doctrine dont ils avaient victorieusement prouvé la fausseté vaut donc autant que l’abjuration par Galilée d’un certain à ses yeux et qu’il avait démontré.

Mais voilà, Mgr, que je reçois le Nouveau-Monde de ce soir (29 juillet). J’y lis la circulaire de V. G. sur la question des écoles du Nouveau Brunswick. Voilà donc un nouveau fait d’antagonisme grave entre les pasteurs. V. G. vient, — sans dire en toutes lettres, sans doute, que telle soit son intention, afin de conserver un peu les dehors aux yeux de ceux auxquels il faut mettre une chose sous le nez pour qu’ils l’apperçoivent — V. G. vient réfuter les circulaires de Mgr l’Archevêque et de l’Évêque de Rimouski. Ceux-ci prétendent que l’opinion du Dr de Angelis[1] n’est que celle d’un homme compétent si l’on veut, mais ne pouvant parler que pour lui même. V. G. y voit au contraire la même autorité que si la congrégation elle-même dont il est membre avait parlé. Ces deux Évêques prétendent que tout l’ordre hiérarchique serait renversé si l’on regardait l’opinion de Mgr d’Angelis comme réglant la question. V. G. prétend de son côté que l’ordre hiérarchique ne serait pas renversé du tout parceque ce théologien est un écho fidèle des saintes congrégations, et que la question peut être réglée pratiquement sans que le Pape intervienne ! Voilà donc V. G. rendue à affirmer que dès qu’il prend envie à un Évêque de consulter un théologien romain en lui exposant une question à son point de vue, il faut que tout le monde, Parlement et citoyens, acceptent l’opinion de ce théologien que l’on ne connaît pas et qui ne connaît rien de notre ordre social ni de notre constitution politique, comme réglant la question qui lui est soumise ! Aux yeux de V. G. le théologien vaut la congrégation dont il est membre. C’est pousser bien loin, Mgr, cette idolâtrie, je ne connais pas d’autre mot, envers la curie romaine que le Clergé manifeste en toute occasion et qui, je dois le dire révolte le sens intime : 1o de tout homme qui comprend ce que c’est que les affaires ; 2o de tout homme qui connaît un peu l’histoire et les faits et gestes, à diverses époques, de la susdite curie. Mais V. G. compte évidemment beaucoup sur ce que peu de personnes ici connaissent cette intéressante histoire.

  1. Consulté par Mgr de Montréal sur le vote des députés catholiques sur la question des écoles du Nouveau-Brunswick.