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église ! On osait lui reprocher publiquement de violenter la conscience publique dans sa paroisse ! Quel crime ! Un prêtre se trompe et un journal ose le dire ! La religion était clairement en danger par le seul fait de ce journal qui osait prétendre qu’il n’est pas plus permis à un prêtre qu’à un autre de diffamer les gens en public, et surtout à l’église ! C’était une invasion dans le sanctuaire ! C’était, comme Osce, porter la main à l’arche sainte ! Et puis quelle impiété ! Repousser les instructions politiques d’un prêtre qui n’entendait rien à la politique ! Quelle offense à la religion : Remettre un prêtre à sa place quand il violente la conscience du citoyen et fait par conséquent ce que la religion lui défend !

Mgr l’Archevêque de Québec (M. Baillargeon) disait pourtant, en 1867, à quelqu’un qui le consultait sur ces matières. « Notez bien que sur le vote que vous êtes appelés à donner, vous devez agir d’après votre propre conscience, et non d’après celle d’un autre !  ! » Voilà bien la condamnation péremptoire des prêtres politiques par le plus haut dignitaire ecclésiastique du pays. « Ne votez pas d’après la conscience d’un autre !  ! C’était bien là dire : « même d’après la conscience du vicaire de la paroisse ! » Eh bien, on me proclamait impie dans les chaires pour soutenir précisément le principe posé par l’Archevêque : « Ne votez pas d’après la conscience d’un autre ! » Et trois Évêques ont alors défendu la lecture d’un journal qui maintenait précisément les principes qu’un autre Évêque vient enfin, ces semaines dernières même, de consacrer officiellement comme seuls vrais et justes !  ! Les directeurs de la pensée humaine étaient aux antipodes sur ce chapitre comme sur bien d’autres ! Des Évêques nous ont fait un péché de ce qui est aujourd’hui un devoir ou un droit !  !

On a donc quelquefois le droit de dire avec le Pape St. Célestin : « Heureux le troupeau qui sait juger des pâturages ! (judicare de pacuis) et de penser avec St. Hilaire que quelquefois « les oreilles du peuple sont plus saintes que le cœur des pontifes ! »

Eh bien, Mgr, après toutes les injures que l’on nous a dites dans les chaires, après l’interdit ecclésiastique mis sur la feuille qui avait certainement raison puisqu’un Évêque oblige aujourd’hui son Clergé de faire ce qu’elle demandait ; après les nombreux refus d’absolution infligés à ceux qui recevaient cette feuille, et même à leurs femmes qui étaient pourtant bien innocentes du péché de l’abonnement ; après toutes ces violations enfin des droits les plus sacrés de la conscience par ceux qui ont charge de diriger les consciences ; que venons-nous de voir ? Que vient de dire Mgr de Rimouski sur cette grave question de l’abus de la chaire en matière politique ? V. G. l’a lu comme moi.

« Vous devez conclure de là, dit Mgr de Rimouski, qu’il vous est absolument interdit :

1o D’appliquer les principes généraux à tel candidat, à tel parti, ou à telle classe d’électeurs ;

2o D’adresser aucune injure ou aucune personnalité blessante à qui que ce soit ;

3o De nommer ou désigner les candidats en chaire, et de vous prononcer sur leurs mérites respectifs ;

4o De conseiller ou ordonner aux fidèles de voter pour tel candidat plutôt que pour tel autre !

Cet enseignement de Mgr de Rimouski est-il juste et vrai ? S’il l’est en quoi donc avais-je tort ? Mes prétentions et mes affirmations de 1863 et 1867 étaient strictement identiques à ces quatre préceptes, et je défie de trouver autre chose dans ce que j’ai dit. Comment donc a-t-on pu me traiter d’impie et d’ennemi de la religion et du Clergé quand je posais exactement les mêmes principes ? Est-ce là la bonne foi ecclésiastique : blâmer par pur esprit de parti ce que l’on sait être vrai et juste ?

Et quel droit avaient les Évêques de défendre la lecture d’un journal qui maintenait ce que leur propre collègue vient enfin de déclarer être les vrais principes ? Comment ont-ils pu approuver tacitement ou explicitement des prêtres qui commettaient arrogam-