Page:Dessaulles - Discours sur l'Institut canadien, 1863.djvu/23

Cette page a été validée par deux contributeurs.

valités s’apaiseront : on commence un peu à rire en se prenant pour ennemis ; on s’aperçoit que forcément nous redevenons amis après nous être lancés des boulettes de mie de pain ; que personne ne reste blessé ; l’éloignement ne saurait donc être permanent !

D’ailleurs, les hommes passent et les choses restent ! Nous passerons tous et notre bibliothèque restera, et s’enrichira toujours ! Le bienfait du Prince est une œuvre permanente, nos petites rancunes ne sont que transitoires ! Si nous ne nous entendons pas bientôt, eh bien nos successeurs le feront, et s’il est une chose certaine, à mon sens, c’est qu’on ne s’obstinera pas éternellement à refuser de toucher un bon livre parce qu’il aura été donné par le prince Napoléon. Le bon sens finit toujours par avoir raison du préjugé. On accepte bien, par raison de pauvreté, le produit d’une représentation théâtrale ; pourquoi n’accepterions-nous pas, nous, la science, ou au moins le moyen de l’obtenir, des mains d’un homme distingué qui a compris ce qui nous manquait et nous a fait la générosité, très acceptable, de nous l’offrir ?


XXXVII


Jamais, à aucune époque, notre bibliothèque ne s’est enrichie comme elle l’a fait depuis quinze mois. Elle possède aujourd’hui des ouvrages d’une haute valeur et pour les savants et pour les artistes, et pour les architectes et pour les mécaniciens. Notre collection de gravures n’est surpassée que par celle de notre bibliothèque provinciale. Quand nous les aurons fait relier, nous posséderons plus de cent volumes de gravures valant environ dix louis en moyenne. Tout ceci nous vient de Son Altesse Impériale le prince Napoléon.

Nous avons aussi reçu dernièrement une partie des envois que veut bien nous faire de temps à autre l’Institut de France. Une caisse reste encore à Paris.

Quant à l’état de nos affaires pécuniaires, dont les membres peuvent voir les détails dans le rapport du trésorier, je ne surprendrai personne sans doute en disant que nous sommes plus riches en livres qu’en argent. Néanmoins je dois dire que le zèle des membres est tel qu’un besoin un peu pressant s’étant manifesté dernièrement, on a pu voir, par les généreuses souscriptions spontanément offertes, qu’un corps comme le nôtre n’est jamais pauvre, quand l’esprit d’union et de zèle règne parmi ses membres.

Malgré les difficultés incontestablement sérieuses que l’Institut a eues à combattre depuis quelques années, il compte encore environ 500 membres, et reçoit chaque mois de nouveaux renforts.


XXXVIII


Ce fait prouve Messieurs : Que la lutte nous maintient fermes et unis :

Que la persécution ne tue pas les idées :

Que l’intolérance peut longtemps encore gronder autour de nous :

Que tout en évitant soigneusement d’empiéter jamais sur le domaine de qui que ce soit, nous savons néanmoins défendre l’intégrité du nôtre :

Qu’il y a une section importante de la population de cette ville qui tient à faire triompher l’esprit de tolérance, la liberté de penser, d’étudier, de discuter et de s’instruire ; et qui veut conserver un asile à l’inviolabilité de la raison humaine :

Que nous voulons conserver à notre association le même degré d’énergie et de vitalité que par le passé :

Que nous pouvons sans crainte, aussi longtemps que nous resterons fidèles à notre programme, aussi longtemps que nous saurons respecter les sentiments, les convictions et le droit d’autrui, que nous pouvons, dis-je, envisager sans crainte les combats de l’avenir, s’il nous en tient en réserve :

Qu’enfin l’idée grande et féconde qui a présidé à la fondation de l’Institut reste tout à la fois notre guide et notre but ; et qu’aujourd’hui comme il y a dix-huit ans, forts de nos convictions et de nos principes, de notre union et de notre succès, nous pouvons continuer d’inscrire sur la bannière de l’Institut Canadien cette devise qui a fait sa force :


Travail et Progrès ! Tolérance et
liberté de penser !


FIN.