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XXXIV


Profitant de la présence en ce pays du premier membre d’une maison régnante de France qui eût encore mis le pied sur le sol du Canada, nous avions cru devoir saisir cette occasion pour exprimer les sentiments de cordialité, d’attachement, de sympathie inaltérable qui nous rattachent toujours à notre ancienne mère-patrie, à un proche parent de son chef politique.

Nous ne faisions pas plus une visite personnelle au prince Napoléon qu’une manifestation de bon souvenir envers la grande nation dont nous perpétuons en Amérique la langue, les traditions et la littérature.

Avons-nous été cruellement attaqués pour cet acte de haute convenance ? N’entendez-vous pas encore le tapage réactionnaire dont notre atmosphère était ébranlée ?

Perdant de vue le fait que Monseigneur le Coadjuteur de Québec, le métropolitain du pays, n’avait pas cru blesser la religion, avilir son caractère, rabaisser ses compatriotes à l’étranger et déshonorer son pays en offrant au Prince Napoléon une réception convenable et polie à l’Université-Laval, on nous a adressé tous ces mots foudroyants, toutes ces clameurs et tous ces reproches, et cela avec tant de passion qu’on semblait, en quelque sorte, se venger sur nous d’un manque apparent d’entente ailleurs.

Aussi nous a-t-on représentés comme nous étant placés de nous-mêmes au ban de l’opinion ! comme ayant froissé la conscience publique dans ce qu’elle avait de plus cher ! comme, faisant tache, en un mot, sur l’honneur du pays ! oubliant toujours que chacune de ces récriminations faisait ricochet quelque part !

En un mot, on a déployé toutes les ressources de la tactique ; on a fait même de la plus savante stratégie, jusqu’à importer presque ! ! un général d’Europe ! !


XXXV


À quoi tout cela a-t-il abouti ?

À convaincre beaucoup de bons esprits que les vrais exagérés, ce n’était pas nous ! que les vrais ennemis de l’indépendance d’action chez les citoyens, ce n’était pas nous ! qu’enfin ce n’était pas de nous que venaient les colères et les proscriptions !

La discussion soulevée par nos agresseurs a fini par reporter l’esprit de la population sur cette idée qu’après tout les membres de l’Institut étaient des citoyens tout aussi honorables dans leurs relations, tout aussi paisibles, tout aussi nationaux, tout aussi zélés pour les œuvres de bienfaisance, tout aussi respectables dans leur vie privée que les autres !

Et la dernière conséquence de cet acte qui a été si mal jugé et qui nous a valu tant d’injustice, a été l’envoi des plus magnifiques présents qu’aucune institution du pays ait encore reçus de l’étranger.

Nous avions non seulement fait acte de convenance envers la France, mais le résultat démontre à tous les esprits non préjugés que nous avons fait acte de courtoisie envers un homme qui le méritait personnellement, et aujourd’hui l’Institut doit à la reconnaissance comme à la vérité de dire que le prince Napoléon a été, et restera probablement, son plus grand bienfaiteur !

Et on me permettra d’ajouter que l’Institut ne devrait pas être le seul à lui savoir gré de sa munificence ; mais que la jeunesse studieuse de Montréal, qui finira nécessairement par comprendre que c’est à elle que l’on fait du mal en l’empêchant de s’instruire ; que c’est elle que l’on amoindrit en lui fermant une source d’étude précieuse ; qu’elle ne gagne rien à refuser de jeter même la vue sur des ouvrages scientifiques d’une immense valeur et qui ne se trouvent qu’ici et dans notre bibliothèque provinciale, — et encore avons-nous nombre d’ouvrages importants que celle-ci ne possède pas, — que la jeunesse studieuse de Montréal, dis-je, devrait être heureuse de voir nos maigres bibliothèques prendre de l’importance, et de voir aussi notre ville s’enrichir des trésors de l’intelligence humaine.


XXXVI


Car enfin nos petites difficultés momentanées disparaîtront : la raison commune aplanira tout cela : certaines ri-