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heur ; voyez-les crier haro sur chaque vérité lancée dans le monde par les penseurs ; voyez-les traîner éternellement Galilée par les cheveux, mettre un bâillon à la pensée partout où ils en ont le pouvoir ; poser le droit sur la lame du sabre, ramener le peuple à l’esclavage, proscrire la démocratie, n’adorer que la force, se prosterner avec empressement devant le succès, et crier Anathème sur toutes les libertés ; la liberté, politique, la liberté de conscience, et même la liberté civile !![1].

C’est cette école, Messieurs, qui proclamait naguères l’ère des télégraphes, des chemins de fer, de la navigation à vapeur, du journalisme, de l’amélioration de la condition économique des peuples, comme une époque de décadence pour l’humanité !


XVI


Que signifient au fond toutes ces diatribes contre la raison que l’on nous sert chaque matin ? Ceux-là même qui nient sa puissance sont bien forcés de la subir !

Avec quoi nient-ils la raison ? Avec le livre, qui est la plus grande conquête de la raison !

Ah ! la raison ne sait que détruire ! Mais qui donc a rédigé nos codes ? Qui donc a dicté nos institutions civiles et politiques ? Qui donc a organisé les divers gouvernements de la terre ?

Qui donc a découvert les lois des plus redoutables forces de la nature ? Qui donc a observé, constaté leurs effets ? Qui donc a su les assujettir pour dompter la nature, faire disparaître l’espace, et mettre en rapport habituel, journalier, instantané, les divers peuples du globe ?

À qui le télégraphe qui porte des messages à la vitesse de mille lieues par seconde ?

À qui doit-on la locomotive qui nous fait franchir cent lieues en dix heures ?

À qui doit-on la découverte de la vapeur, dont la puissance représente aujourd’hui dans le monde le travail réuni de plus de 700,000,000 d’hommes ?

Qui a emprisonné le rayon de soleil pour en faire le peintre le plus fidèle de la nature vivante ou inanimée ?

Qui donc a surpris à notre planète, en quelque sorte, le secret apparemment impénétrable de son âge, et a reconstruit, à la seule inspection d’un ossement enfoui dans ses souches souterraines depuis des milliers de siècles, le squelette de monstres qui n’existent plus ?

Qui donc a trouvé le moyen d’assoupir même la douleur physique, et de faire les plus terribles opérations à l’aide d’un sommeil artificiel infiltré au patient ?

À qui doit-on toutes ces institutions de bienfaisance qui, plus que toute autre chose peut-être, prouvent le progrès de l’humanité au point de vue social… l’école devenue universelle ; la crèche d’asile ; les associations de secours mutuel ; l’assurance sur la vie ; la banque de prévoyance et d’épargne ?

À qui doit-on la boussole, la poudre à canon, et surtout l’imprimerie, le plus grand moyen de progrès de l’humanité ?

La raison de l’homme n’est-elle pas un peu au fond de tout cela ?


XVII


Et qui donc a pesé les mondes et découvert la loi universelle de la gravitation ? N’est-ce pas par la puissance du calcul, qui est une création de sa raison, que l’astronome mesure et la masse et la distance des astres ?

N’est-ce pas la raison humaine qui a deviné le plan et la structure de l’univers ? N’est-ce pas elle qui a assigné à des planètes que nul œil humain n’avait encore apercues, leur place exacte dans le firmament ? N’est-ce pas la raison qui a remporté cet éclatant triomphe d’annoncer au monde savant — et cela par la seule puissance du calcul, par la seule observation approfondie de la cause et de l’effet, et sans l’emploi des instruments inventés par elle — qu’à tel jour, telle minute, dans tel recoin de l’immensité, on pourrait apercevoir une planète dont l’existence n’avait pas même été soupçonnée ?

Et à qui doit-on la géologie, ce registre exact, infaillible en quelque sorte des annales de la création ? À qui doit-on l’anatomie comparée qui nous a ren-

  1. Les passages soulignés sont empruntés à M. Eugène Pelletan.