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pastorales quand ils parlent contre les abus d’une paroisse. La religion leur fait un devoir d’éviter dans leurs reproches toute personnalité, toute invective et toute menace qui tiendrait de l’emportement et qui manifesterait plutôt la passion et un amour propre blessé que la bonté d’un père compatissant et le zèle d’un pasteur charitable. »

Ce passage, Mgr. est extrait, pour les susdits règlements, des canons d’un concile de Cologne, de 1536.

Peut-être pourrais-je ici rappeler à Votre Grandeur que le fait de me traiter d’homme sans véracité n’est pas précisément celui d’un père compatissant et d’un pasteur charitable.

Un prédicateur devant le concile conseillait aux Évêques qui avaient décrété le passage cité de le faire écrire en lettres d’or et de le suspendre aux murs de leur Oratoire afin de l’avoir toujours présent à l’esprit. Ce conseil, Mgr, donné il y a 332 ans, ne serait peut-être pas hors de propos aujourd’hui.

Mais, Mgr, je ne songe peut-être pas assez que V. G. me fait prévenir, par M. le secrétaire, que quelque chose que je dise on ne me répondra pas.

Je reconnais volontiers que V. G. a fait là de la tactique savante, mais est-ce bien de la tactique loyale ? Que dirait-on, Mgr, dans le monde des gens honorables, si l’on voyait un prêtre surtout ouvrir la porte d’une maison, lancer une injure à ceux qui y sont et puis se sauver à toutes jambes de peur qu’on ne puisse l’atteindre ? Or il me semble en toute bonne foi que V. G. ne fait pas autre chose quand elle vient ternir mon caractère d’un mot empoisonné et puis qu’elle s’empresse de me signifier : « Oh parlez tant que vous voudrez, je ne dis plus rien. » C’est là ce que l’on appelle, Mgr, lancer une flèche en fuyant. Or il me semble qu’une fuite constitue rarement une victoire, et j’ose me permettre d’engager V. G. dans l’intérêt de sa cause, qui semble marcher un peu clopin-clopant, de renoncer à cette intelligente stratégie de la retraite précipitée. Le public admire rarement ceux qui abandonnent le champ de bataille en criant victoire bien fort, apparemment pour s’étourdir en se sauvant !

Mais comme le mot est lâché maintenant, V. G. va sans doute, fière de sa tactique, n’en pas vouloir sortir. Après m’avoir odieusement attaqué dans ma réputation, Elle va se réfugier dans sa dignité ! Singulière manière de comprendre sa dignité, Mgr, que de porter à l’honneur d’autrui l’équivalent du coup de poignard dirigé au cœur, et puis de se croire complètement irresponsable à l’abri de son caractère ! Comme je ne puis obliger V. G. de se défendre dans la presse, et que pourtant il me faut la forcer de dire sur quel fait de ma vie publique ou privée Elle base son assertion, il va bien falloir, puisqu’Elle déclare ne plus vouloir dire un mot, la faire sommer légalement de venir en personne devant une cour de justice citer les faits à ma charge qui prouvent que je suis un homme sans caractère et sans véracité.

Je méprise depuis longtemps, Mgr, des injures analogues venant de la feuille que V. G. semble contrôler, mais quand V. G. elle-même vient en sa qualité officielle de premier pasteur déclarer que je suis un malhonnête homme, et cela en ayant soin de m’informer que quelque chose que je puisse dire on n’en tiendra aucun compte, il me faut bien avoir recours à la loi quand la conscience semble faire défaut. On pourra voir alors combien V. G. trouvera de personnes honnêtes et honorables pour détruire mon caractère, — occupation assez peu épiscopale à mon avis — et combien de mon côté j’en pourrai produire pour le venger des inqualifiables assertions de Votre Grandeur.

Encore une petite remarque avant d’arriver aux chiffres. V. G. veut bien admettre que je jouis depuis longtemps, et jouis encore actuellement d’une certaine influence dans St. Hyacinthe, mais elle qualifie cette influence de funeste.

Que V. G. parle et décide sans rien justifier dans un mandement, cela se