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pas de lui, à toute idée qui le dépasse. Lui faire une suggestion c’est l’offenser ! Lui offrir un conseil, c’est s’attirer sa colère ou son dédain ! Égoïste forcené en tant qu’homme politique, tout lui va pourvu qu’il reste ministre ! L’audace avec laquelle il a défilé devant la Chambre toute l’incroyable intrigue ourdie par lui et ses amis pour usurper le pouvoir au mépris de toute loi, de toute morale et de toute décence, dépasse tout ce que l’histoire mentionne de plus impudent en fait de mépris calculé des droits des peuples, en fait surtout de mépris de l’opinion publique.

Pour annoncer, le sourire de la satisfaction sur les lèvres, qu’il venait d’usurper le pouvoir au moyen d’une filouterie légale, il fallait compter beaucoup sur la démoralisation que le malheureux cri de « laissez faire, ayez confiance, » a jeté dans les esprits. Voilà aujourd’hui l’unique source de l’indifférence de l’opinion en face des crimes administratifs du Ministère actuel.

En 1848, quand l’administration Lafontaine revint au pouvoir : le cri général fut : « Ayez confiance dans l’administration. » Seulement ce qu’on voulait, ce n’était pas la confiance éclairée de l’homme qui examine et discute les actes des Ministres avant qu’ils ne deviennent « faits accomplis, » mais la confiance aveugle du partisan qui approuve avant même que le maître n’ait parlé. Depuis, à chaque installation de ministère, un noyau d’affamés criait invariablement : « Ayez confiance ; ne discutez pas ; n’examinez pas ; les hommes qui sont au pouvoir savent ce qu’il faut au pays ; acceptez ce qu’ils proposent car ils ont les meilleures intentions du monde. » Et ainsi, petit à petit, on a habitué le peuple à marcher les yeux fermés et à approuver silencieusement ce qu’il eût fortement opposé s’il eût pu lire un peu mieux dans l’avenir.

Cette malheureuse politique de laissez faire produit aujourd’hui ses fruits et les intrigants seuls en profitent.

Après l’odieuse usurpation qui vient d’avoir lieu, un cri général, immense, universel aurait dû s’élever d’un bout de la Province à l’autre contre les usurpa-