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Presque tous les Membres du Ministère actuel sont Ministres précisément au même titre que le filou qui s’introduirait dans une habitation au moyen d’une fausse clé et s’en déclarerait le propriétaire. La fausse clé des Ministres, c’est leur interprétation malhonnête de la loi ; ce sont les changements concertés de charges publiques en douze heures de temps ; c’est leur refus de tenir compte d’une succession de plusieurs administrations différentes ; c’est le détour illégal et immoral qu’ils ont pris pour faire indirectement ce qu’ils n’osaient pas faire directement !

Entrer dans une habitation fermée au moyen d’une fausse clé, ou entrer dans une charge publique malgré la constitution et la loi et au moyen d’un parjure moral, c’est une seule et même chose au point de vue de la droiture du cœur ; et il faut être terriblement dominé par la rage d’être Ministre pour passer ainsi par dessus toute considération.

Seulement celui qui se sert de la fausse clé est souvent un pauvre diable dont le sentiment moral n’a pas été très soigneusement dirigé par son entourage ordinaire ; pendant que ceux qui viennent d’accepter des charges publiques au mépris de la loi et du serment, sont les hommes les plus élevés en position dans le pays !

C’est par exemple le Procureur Général, chargé d’office de punir les parjures, qui prête un serment en se disant en lui-même : « Je n’observerai pas le serment que je prête, » et qui non seulement le dit mais le fait.

Eh bien ! je suppose que M. le Procureur-Général aille faire un tour d’inspection au pénitencier provincial et y rencontre un des détenus pour parjure dans un coin assez isolé pour que celui-ci puisse rompre son silence obligé : — que lui dirait celui-ci ?

« Quoi vous ici M. le Procureur Général ! J’espère au moins qu’à présent vous allez me tirer d’ici ! La loi n’a pas pu vous atteindre vous, mais au point de vue de la moralité personnelle, quelle différence au fond y a t-il entre vous et moi ? J’ai fléchi par besoin, vous par ambition ! J’ai violé une loi que je connaissais par ouï dire : vous avez violé une loi faite