que qu’au moyen d’une loi faite expressément dans le but d’empêcher un membre de la législature de devenir Ministre sans se faire réélire, plusieurs hommes, devenus de simples membres de la législature, occupent actuellement et entendent occuper permanemment des charges de Ministres sans s’être fait réélire, c’est-à-dire qu’on s’est servi de la loi précisément pour arriver au but que la loi défend expressément !!
Cette interprétation ne peut donc être admise puisqu’elle blesse également le bon-sens, la conscience publique, toutes les règles et tous les principes du droit constitutionnel, et enfin toute la pratique du droit civil.
D’ailleurs le titre seul de la loi suffit pour faire condamner les Ministres. Ce titre est : « Acte pour assurer davantage l’indépendance du Parlement. » Or la conduite des Ministres et leur refus de se faire réélire ouvre la porte à toutes les violations possibles de la constitution et des droits des électeurs. Ce refus détruit l’indépendance de la Législature au lieu de la confirmer. Ce refus ôte aux électeurs l’occasion de ratifier ou de censurer l’acceptation d’une charge par leur mandataire et leur fait perdre leur droit de contrôle sur lui. L’indépendance de la législature se trouve donc « sapée dans sa base, la responsabilité aux électeurs. » Les Ministres ont donc violé l’indépendance de la législature « au moyen de la loi même qui l’établit ! » L’intention de la loi est clairement indiquée par son titre, et l’acte des Ministres détruit directement l’objet de la loi.
— Les Ministres sont pourtant dans la lettre de la loi, me disait un de leurs amis.
— Eh bien, adnettons pour un moment qu’ils soient réellement dans la lettre de la loi, — ce que je démontrerai ne pas être, — va-t-on prétendre que la lettre doit l’emporter sur l’esprit ?
Depuis la maxime évangélique : « c’est la lettre qui tue et l’esprit qui vivifie, » jusqu’à la maxime de droit : « L’esprit est tout, la lettre n’est rien, » tout, raison, bon-sens, droit, justice, pratique, précédents ne démontre-t-il pas l’absurdité de cette prétention ?