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comme Dumoulin (Molynaeus) ou Pothier ; Beccaria ou Filangieri ; Grotius ou Montesquieu, Bentham ou Benjamin Constant ; d’historiens comme de Thou ou Sismoudi, Hallam ou Thierry, Michelet ou Llorente ; ou de moralistes comme Montaigne, Pascal ou Arnauld ; ou de philosophes comme Malebranche ou Descartes, Cousin ou Jules Simon ; ou d’économistes politiques confine Smith, Say, Coquelin ou Bastiat ? Notre loi locale exige que les élèves en droit étudient Pothier, et le Pape le défend. Les élèves vont-ils renoncer à se faire admettre à la profession plutôt que de lire les considérations sur le mariage de ce premier des légistes ? Pouvons nous le retrancher de notre bibliothèque où les étudiants ont besoin de le trouver ? En vérité, il ne faut pas exiger pareilles absurdités d’hommes intelligents !

Allons-nous mettre de côté nombre d’ouvrages de médecine, de chimie organique, de géologie et de science positive parceque l’Index s’est autrefois imaginé, il y a de cela plusieurs siècles, que le grand livre de la nature, qui est bien certainement le livre de Dieu, allait détruire la Bible ? S’il contredit les fausses notions que l’on s’était formées sur celle-ci avant les découvertes de la science moderne ; s’il détruit les interprétations erronées qui en ont été faites sur des points de science physique, à qui la faute ?


    Eh bien oui, l’antagonisme entre les Évêques est devenu un fait accompli et c’est la presse folle qui a produit ce résultat.

    Nous voilà arrivés précisément au point que j’ai prédit tant de fois : qu’il arriverait un temps, si le clergé persistait à se mêler activement de politique pour la diriger, où l’on verrait « curé contre curé et Évêque contre Évêque. »

    Quelles injures ne m’a pas adressés la presse folle quand j’ai prédit cela ? Quels reproches d’hostilité à la religion, de tendance à l’impiété ! Et voilà qu’en moins de six ans ma prédiction se réalise, et que les Évêques eux-mêmes ne s’entendent plus ! Trois Évêques d’un côté invoquent le quatrième concile de Québec, et deux Évêques de l’autre l’invoquent en sens contraire, non pas sans doute par des paroles directes et claires, mais par des actes qui valent bien mieux que des paroles pour prouver leur vraie pensée !

    Eh ! bien, que vont faire maintenant les catholiques sincères ? — que je distingue des journalistes hypocrites, et qui me font fort l’effet de l’être tous puisque dans les deux camps on ne voit que de l’hypocrisie chez l’adversaire qui prétend seul défendre les vrais bons principes. — Comment les catholiques vont-ils décider entre un Archevêque vraiment sage et les deux Évêques qui se sont ralliés à lui, et deux autres Évêques qui n’ont pas encore compris où la presse folle les avait amenés ?

    C’est à l’Archevêque de Québec que s’adressait le fameux mot du Nouveau-Monde : « Quand on s’est défait de l’esprit romain !  » L’Évêque de Montréal a t-il obligé le Nouveau-Monde à faire une excuse ? Non certes ! Le mot a été tacitement approuvé puisqu’on a laissé le Nouveau-Monde continuer de défier l’Archevêque à propos du programme.

    Eh ! bien, sait-on ce que ce mot indique ? Il indique une lutte acharnée, à Rome, pour faire condamner l’Archevêque, lutte qui, si elle n’est pas commencé, va commencer bientôt, je le prédis sans crainte. Et je serai bien surpris si l’Archevêque qui a montré tant de sagesse depuis son intronisation, sort victorieux du faisceau d’intrigues qui se monte aujourd’hui contre lui.

    Ce n’est pas sans but que l’on a taxé l’université Laval de gallicanisme. N’ayant pas réussi à en fonder une à Montréal, on s’est pieusement mis à décrier l’autre, afin d’établir le besoin d’un établissement « où l’on ne se soit pas défait de l’esprit romain. »

    Et puis, l’Archevêque ne voulant pas du programme clairement suggéré par l’évêque de Trois-Rivières et explicitement prôné par l’évêque de Montréal dans sa circulaire, on va bientôt faire partir pour Rome des lettres où l’on montrera que le programme ne respire que l’esprit romain, dont l’archevêque s’est défait suivant le Nouveau-Monde, et l’on verra peut-être même l’évêque de Montréal reprendre le chemin de Rome pour créer ce nouvel embarras d’une accusation grave à un homme qui ne peut pas le maintenir dans toutes ses prétentions contre le Séminaire.

    Voilà les graves choses qui se passent derrière le rideau depuis quelques jours !

    Les misères que l’on suscite aujourd’hui à l’Archevêque de Québec sont un fait regrettable, car il vient de faire un acte de justice que l’on a en vain réclamé depuis dix ans des autres Évêques du pays : infliger un blâme sévère à un curé qui a fait un sermon politique honteux avec attaque directe contre les personnes en pleine chaire.

    Ce curé a formellement reçu instruction de n’y pas revenir. Que n’en a-t-on fait étant en 1867 où de si terribles scandales ont eu lieu, y compris un appel à Satan, en pleine église, de venir y chercher les rouges que l’on y voyait tranquillement occupés à prier Dieu.