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peut, (ou non) contenir des livres où journaux philosophiques ou religieux dont la possession et la lecture soient défendues aux catholiques individuellement. Chaque membre de l’Institut n’a d’autre contrôle à l’égard de ces livres que de voter contre leur admission ou conservation, quand la question est soumise à son vote, devant sans doute s’abstenir de les lire, si l’Église en défend la lecture.

Sur cet exposé de faits, la question soumise au St. Siège est :

« Un catholique encourt-il les censures ecclésiastiques et le refus des sacrements pour le fait seul qu’il est membre de cette association ?

« Maintenant nous prétendons toujours jusqu’à plus ample informé que les faits étant tels que ci-dessus établis, nous sommes dans le même cas que toutes les autres associations scientifiques ou littéraires du monde qui possèdent des livres à l’index (et le plus souvent en bien plus grand nombre que nous) et dont les membres ne sont pourtant pas frappés des censures ecclésiastiques parceque les corps possèdent ces livres. »

Voilà la vraie question portée en appel. Pourquoi ? Parceque voyant Mgr. de Montréal ordonner le refus des sacrements aux membres catholiques de l’Institut pour le fait seul de la possession par le corps de livres à l’index ; et voyant d’un autre côté qu’en France, en Allemagne, en Belgique, en Angleterre et aux États-Unis, le même fait n’était pas une raison d’exclusion des sacrements ; que dans les provinces britanniques même de l’Amérique du Nord cette rigueur était inconnue ; et qu’enfin dans notre ville même de Montréal Sa Grandeur ne fesait pas inquiéter les membres catholiques d’associations protestantes qui possèdent aussi des livres à l’index, il nous semblait que Mgr. de Montréal se trompait en nous imposant une règle exceptionnelle et faite pour nous seuls. Car enfin ses prétentions vont bien loin puisqu’il m’a dit à moi-même ce mot navrant pour un homme d’étude, et qui a fait rire bien des membres instruits du clergé ici et aux États-Unis : « Si les économistes sont à l’index, il faut bien se passer des économistes ! ! » chose un peu difficile pourtant à ceux qui prennent part au mouvement politique d’un pays.

La question portant donc uniquement sur le droit de l’Évêque de frapper un catholique des censures ecclésiastiques pour le fait seul qu’il est membre d’un corps dont la bibliothèque contient quelques livres à l’index, elle ne pouvait clairement être décidée que par un jugement déclarant qu’un catholique pouvait ou ne pouvait pas appartenir à un pareil corps. À une demande aussi nette et précise que celle citée plus haut, il fallait une réponse également nette et précise.

Avons-nous eu pareille réponse ? Jamais ! Le décret que l’on prétend décider la question, et où l’on devait conséquemment trouver la réponse nette et précise que notre demande exigeait, ne disait absolument que ce qui suit : (J’emprunte la traduction publiée par ordre de Mgr. de Montréal sur les journaux de cette ville.)

« Les Éminentissimes et révérendissimes Inquisiteurs généraux, dans une congrégation générale de la sainte Inquisition romaine et universelle, tenue mercredi, septième jour du présent mois,[1] ayant soumis à l’examen la difficulté soulevée depuis longtemps à l’égard de l’Institut Canadien ; toutes choses ayant été mûrement et soigneusement examinées, ils ont voulu qu’il fût signifié à Votre Grandeur que les doctrines contenues dans un certain Annuaire dans lequel sont enregistrés les actes du dit Institut devaient être tout-à-fait rejettées, et que ces doctrines, enseignées par le même Institut, devaient elles-mêmes être reprouvées !  ! »

Puis on exhorte l’Évêque à éloigner la jeunesse du susdit Institut, tant qu’il sera bien connu que des doctrines pernicieuses y sont enseignées ; et l’on termine par des louanges, que l’on regrette aujourd’hui, à l’adresse de l’Institut-Canadien Français, associa-

  1. Juillet 1869.