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dans les formes voulues, fait que nous pouvions clairement établir si l’on nous eût permis d’offrir nos preuves. De ce que l’on nous a fait l’injustice de ne pas nous permettre de prouver nos allégués, il ne suit pas que les faits soient modifiés, la nature des choses changée, et les censures régulières. Quand le juge n’a pas voulu connaître les faits de la cause, et qu’il s’est obstiné à juger sans en étudier l’ensemble, à lui la responsabilité ; mais ce qui est injuste n’en devient pas juste et licite. Quoi ! Mgr. de Montréal, après avoir refusé d’indiquer les livres à l’index de la bibliothèque, maintient ses censures parceque nous ne les retranchons pas !  ! Et cela quand il n’inquiète pas les catholiques membres d’associations protestantes qui possèdent plus de livres à l’index que nous ! Voilà donc un homme qui manque à son devoir d’Évêque ainsi qu’a la plus commune impartialité, et les éloges sont toujours pour lui ! Ces choses sont représentées, et l’on n’en tient pas plus de compte que si elles n’avaient jamais été dites ! Qui osera jamais prétendre qu’il put légitimement maintenir ses censures après avoir refusé d’indiquer les livres à l’index ?

Où est le juge laïc, sous un système judiciaire bien organisé, qui oserait jamais condamner un subordonné pour n’avoir pas rempli un devoir que le supérieur aurait refusé de lui indiquer ou de lui définir ?

Tout le monde ici sent et voit parfaitement qu’avec un autre homme que Mgr. de Montréal jamais les choses n’eussent été poussées aussi loin, et que, quand il n’y sera plus, tout s’arrangera en un quart d’heure.

Nous attendrons donc qu’il nous vienne un homme capable de comprendre les droits des autres, et qui ne se laisse pas aveugler sur ses propres devoirs par des préventions opiniâtres qui n’ont leur explication, je regrette d’être obligé de le dire ici, que dans le manque de lumières.

Votre Éminence trouvera peut-être que c’est manquer aux habitudes ordinaires de déférence envers les supérieurs que de s’exprimer ainsi ; mais il est des circonstances où l’on ne peut plus éviter de dire toute la vérité quelque pénible qu’elle soit. Et d’ailleurs, Mgr. de Montréal a toujours été tellement injuste au fond et acerbe dans l’expression à notre égard et particulièrement vis-à vis de moi, (ce dont Votre Éminence a pu se convaincre par l’Annonce pastorale que j’ai eu l’honneur de lui transmettre il a six ans, mais dont je n’ai plus entendu parler depuis) que je ne vois réellement pas pourquoi je serais si fort tenu de ménager des vérités qui, pour être dures, n’en soit pas moins des vérités. Car enfin je ne fais que retracer plus loin les appréciations même des plus hauts dignitaires de la cour de Rome sur Sa Grandeur.

L’un d’eux ne disait-il pas à l’un de mes amis, qui se trouvait à Rome il y a deux ans et qui avait amicalement discuté avec lui précisément cette question de l’Institut : « Que voulez-vous ? Mgr de Montréal aime bien le bon Dieu de tout son cœur, mais il manque sans doute un peu de lumières. »

Et un autre dignitaire de la Cour de Rome, Cardinal, ne disait-il pas de son côté, en Avril 1869, après un entretien avec Mgr de Montréal sur cette grave question du Séminaire de St. Sulpice, qu’il trouvait Sa Grandeur : « parva ingenue et nulli criterü. »[1]

Eh bien, quand un homme est ainsi jugé à Rome même, n’aurait-on pas pu au moins soupçonner qu’il a pu se tromper ? Les faits de partialité et d’aveugle obstination que nous avons cités dans nos mémoires n’auraient ils pas pu faire songer qu’il était au moins à propos de nous entendre et d’écouter nos preuves avant de nous condamner sur des accusations nouvelles et en mettant de côté l’ancienne question que l’on n’a pas jugée ?

Et si j’en crois certaines informations que j’ai eues et que je crois très sûres, V. Ém. elle-même me paraît aussi avoir apprécié, avec ce tour spirituel qui la caractérise, Mgr. de Montréal.

  1. Petite intelligence et aucun discernement.