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d’aussi inadmissibles déductions, et regarder le tout comme certainement vrai et juste sans nous en parler ?

Comprenez vous maintenant pourquoi l’on a tout arrangé de manière à ce que nous ne pussions pas nous défendre ? Si l’on nous avait communiqué toute la puissante logique de Mgr. de Montréal contre l’Institut, on l’aurait mis dans l’impossibilité de dire un mot dans une confrontation avec des hommes sérieux. On a donc tenu toute sa profonde rhétorique secrète, nous condamnant loyalement sur des affirmations fausses et des déductions dont l’ineffabilité saute aux yeux.

Et si l’on veut me prendre à partie sur l’expression « d’affirmation fausse » dont je viens de me servir, je citerai tout simplement ce passage de l’extrait cité plus haut : « que les discours, et tous les autres actes de l’assemblée ont été livrés à l’impression et publiés sous la direction du comité de régie. »

Sa Grandeur a ici pris le fait probable pour le fait certain. Il n’y a rien de bien étonnant à ce qu’elle ait cru que l’Annuaire avait été imprimé et publié par et sous la direction du comité de régie, car la chose était naturelle et probable en soi. Mais voilà précisément ce qui montre combien, en affaires litigieuses, on doit toujours être sur ses gardes, surtout quand on est constitué en autorité. Là, les hommes prudents n’acceptent jamais pour acquis ce qui n’est pas prouvé ; et si Sa Grandeur avait agi d’après cette simple règle de justice, elle n’aurait pas affirmé, peut-être sans le savoir, une chose fausse en elle-même. Ce n’est pas le comité de régie qui a fait l’Annuaire de 1868, ni aucun des autres. Jamais les fonds de l’Institut n’ont été employés à cela. L’Annuaire de 1868 a été publié par une entreprise particulière, complètement en dehors et indépendante de l’Institut. Voilà encore l’un des faits controuvés qui ont servi à nous faire condamner, et que nous aurions démontré être inexact si l’on nous eût permis de présenter une défense.

Mais non, il fallait condamner à tout prix, et quand on ne prévient pas un homme qu’il est accusé, on est bien sûr de le condamner ; et c’est justement parce qu’on veut le condamner qu’on ne lui donne aucun avis.

L’Inquisition a donc, sur de fausses représentations de faits, et sur de fausses déductions de faits les uns réels les autres imaginaires, condamné l’Institut comme coupable d’enseignement pernicieux.

Des juges laïcs auraient dit à l’Institut : « Voilà ce dont on vous accuse, défendez-vous s’il y a lieu. »

Des juges ecclésiastiques ont fait tout le contraire et ont dit :

« Ah ! l’Institut Canadien est accusé ! Eh bien, hâtons-nous de le condamner avant qu’il n’en entende parler. » Voilà la différence entre les deux justices. Mais par exemple, quant à la question de savoir si un catholique peut ou non appartenir à une association qui possède des livres à l’index, on n’en souffle pas mot ! C’était là la vraie question portée en appel par les membres catholiques de l’institut. Eh bien, on envoie les appelants aux calendes grecques avec leur question ; et pour faire croire aux simples qu’ils sont condamnés, on condamne le corps sur une autre question sans lui donner aucun avis préalable !

Et quoiqu’il n’en fut pas question dans le décret, les impudents scribes qui rédigeaient le Nouveau Monde n’en sont pas moins venus dire : « L’appel est décidé contre l’Institut. »

Eh bien de deux choses l’une : ou l’on croyait vraiment la question d’appel décidée, et alors on n’a absolument rien compris à ce que l’on a lu ; ou bien on ne le croyait pas, et alors on trompait en pleine préméditation ses lecteurs et le public. Il n’y a donc pas de milieu. Sots ou fourbes ! ! Et un impie peut bien dire l’un ou l’autre puisque la sainte Minerve elle-même est occupée depuis deux mois à démontrer victorieusement que l’on est l’un et l’autre ! !

Le décret de l’Inquisition est du 7 Juillet 1869, communiqué à Mgr. de Montréal le 14.

Quatorze mois après on se décide à mettre une dernière fois le nez à la fenêtre et on me fait transmettre par l’Archevêché de Québec la lettre que