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doit s’indigner ou prendre en pitié ! l’auteur de cette ineffabilité.

Puisque c’était une assemblée publique, l’Institut comme corps n’était plus responsable des applaudissements et aucun homme réfléchi n’en pouvait déduire un argument contre le corps.

Et quand Sa Grandeur limite elle-même les applaudissements aux membres présents, elle fait donc une distinction entre la totalité des membres et ceux qui se trouvaient là. Sa conclusion : « ces doctrines sont donc celles de tout l’Institut, » est donc détruite par la prémisse qu’elle pose elle-même ! « Les membres présents » n’étaient pas tous les membres ! Réellement il faut être bien aveuglé par le préjugé, ou bien incapable de raisonner juste, pour écrire tout au long un raisonnement de ce calibre !

Et il va de plus le fait que dans tout cet extrait, Sa Grandeur cherche à faire croire que l’assemblée était une réunion ordinaire de l’Institut, pendant qu’elle savait par les avis publiés que c’était une réunion extraordinaire, où les étrangers étaient invités. Donc les applaudissements ne signifiaient plus rien contre l’Institut comme corps : donc ces applaudissements ne témoignaient nullement de l’enseignement de l’Institut, ni même des opinions des membres ; donc Sa Grandeur a fait là un assertion fausse en fait d’abord, et dont-elle a tiré des déductions fausses en droit.

Quant à toutes ces déductions si péniblement élaborées de la régularité de la convocation, de la présidence du Président qui adresse lui-même la parole ; de la présentation des orateurs par le Président etc., etc., etc., tout cela ne signifie absolument rien de ce que Sa Grandeur a voulu y voir au point de vue de la responsabilité du corps.

Prenons un exemple qui sera péremptoire.

M. Pouchet a soutenu à l’Académie française la doctrine de la génération spontanée, et y a lu de nombreux mémoires au soutien de son opinion.

M. Pasteur a entrepris de combattre les opinions de M. Pouchet, et a lui aussi lu plusieurs mémoires pour en démontrer la fausseté. Eh bien, qui osera jamais venir nous faire le raisonnement suivant ?

« M. Pouchet et M. Pasteur ont lu chacun, hier, un mémoire à l’Académie, le premier pour, le second contre, la doctrine de la génération spontanée. L’Assemblée était présidée par le Président qui a parlé et présenté les orateurs à la séance en annonçant l’objet des mémoires qu’ils allaient lire. Divers membres présents ont applaudi les lecteurs… Donc les idées de ces Messieurs sont celles de toute l’Académie ; donc elle enseigne ce qu’ils ont dit. »

Mais dans ce cas l’Académie aurait donc enseigné deux doctrines contradictoires ! Les idées de toute l’Académie signifieraient donc en même temps le oui et le non.

Cela démontre donc que l’Académie n’a jamais enseigné les idées d’aucun de ces Messieurs, non plus que celles des savants qui lui communiquent leurs théories ou leurs découvertes. Et cela démontre nécessairement aussi que l’Institut m’entend jamais enseigner ce que peuvent dire devant lui les orateurs qu’il invite à traiter un sujet quelconque. Un corps public peut permettre à certaines opinions de se faire jour dans son sein, mais cela n’implique jamais à moins d’approbation officiellement exprimée qu’il leur donne sa sanction comme corps. Voilà des choses simples, évidentes pour un enfant ! Comment donc un Évêque ne les a-t-il pas vues ! Comment a-t-il pu si peu réfléchir avant d’écrire ! Comment peut-il ignorer ce que tout le monde sait : que la responsabilité d’un corps public n’est jamais engagée par son silence, mais seulement par un acte officiel, seul moyen pour lui d’exprimer son approbation ou sa désapprobation.

Et puis, comment un raisonnement qui serait souverainement ridicule, appliqué à l’Académie française ou à tout autre corps scientifique ou littéraire, peut-il être raisonnable et sensé par rapport à nous ?

Comment a-t-on pu, à Rome, avaler