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de dormir et de laisser dormir la question aussi.

Vint le 17 Décembre 1868, jour de notre anniversaire de fondation. Il devenait assez clair, puisque trois ans s’étaient écoulés depuis l’appel, qu’on ne s’en occupait guère. On avait eu le temps, en trois ans, de rendre justice. Loin de là on avait eu recours à l’incroyable manœuvre de tromper un de nos évêques sur la vraie signification de cet appel. Cela ne montrait guères le fait de haute conscience dont on nous parle tant. Je crus donc devoir répondre, ce jour là, aux attaques furieuses de cette sainte presse qui, d’après la Minerve du 11, est occupée à nous montrer « les inimitables vertus du journalisme religieux, » et je fis cette lecture dans laquelle des prêtres instruits d’ici et des États-Unis n’ont rien trouvé de réprouvable, mais que l’on a réprouvée à Rome parce que l’on ne savait absolument plus comme sortir à l’honneur de l’Évêque de la question des livres. Comment encore une fois nous condamner là dessus quand on ne condamne ni l’Institut de France ni cent autres sociétés scientifiques ou littéraires qui se font honneur de bibliothèques bien autrement garnies que la nôtre de livres à l’index ?

Personne n’a encore osé aborder cette contradiction. Personne n’a encore osé expliquer pourquoi l’on peut ainsi sévir contre nous quand on ne le fait nulle part ailleurs pour les mêmes raisons ; quand on ne le fait pas même ici pour les mêmes raisons ! Ou cherche à détourner les jeunes gens des cours donnés à l’Institut. Cherche-t-on à les détourner des cours du Collège McGill qui possède une bibliothèque où il y a plus de livres à l’index que dans la nôtre ? On ne met donc de sincérité nulle part avec nous ! Tout ce que l’on fait est donc entaché de partialité nécessairement inspirée par le préjugé opiniâtre, ou la détermination formelle de ne pas avouer que l’on se trompe. Car enfin ou l’on se trompe avec nous, ou l’on se trompe avec les autres que l’on n’inquiète pas. On ne peut avoir également raison sur deux faits contradictoires. Quand l’on n’inquiète pas les catholiques membres d’autres sociétés, qu’on nous laisse donc tranquilles. Et si l’on ne nous laisse pas tranquilles, que l’on inquiète donc les autres ! Et quand on s’obstine à n’inquiéter que nous seuls, nous avons le droit de dire qu’il n’y a là ni justice, ni honnêteté, ni conscience. Cela est dur peut-être, mais voyez donc ce fait-ci.

Un catholique de l’Institut s’adresse à l’Évêque pour demander qu’on lui permette l’approche des sacrements. Il établit qu’il est l’un des appelants au Pape. L’Évêque lui fait répondre qu’il est un rebelle à l’Église et qu’il ne peut lui permettre d’approcher des sacrements ! Cette réponse existe en la possession de ce membre.

Eh bien, voilà encore du nouveau en religion et en simple bon-sens. L’appel à Rome, une preuve de rébellion à l’Église ! Et c’est un Évêque qui dit cela !

Comment veut-on que des gens sensés croient en son esprit de justice, et j’oserai même dire en son jugement ? Comment l’appel au conseil privé, par exemple, prouve-t-il que l’on veut résister au pouvoir civil ?

Soyez sûr, Messieurs, que tout cela est trop illogique et trop absurde pour durer longtemps, et il ne s’écoulera pas bien des années avant qu’on ne vienne nous dire avec toute la bonhomie que l’on sait mettre dans ces choses : « Ah ! c’était un bien excellent homme que Mgr. de Montréal, mais il avait ses petits préjugés. Allons ! oublions tout cela et redevenons bons amis ! » Mais tout sera toujours adroitement arrangé de manière à éviter d’avouer qu’un Évêque se soit trompé. L’humilité ecclésiastique ne va jamais jusque-là !

Mgr. de Montréal, qui n’avait pas pu, avec ses explications, nous faire condamner sur la question des livres, qui n’est pas encore décidée à l’heure qu’il est, partit pour Rome dans l’hiver de 1869. De nombreuses affaires litigieuses l’appelaient à Rome