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les opiniâtres

— Ysabau, tu dois te résigner. Tu te réfugieras au fort quand le danger sera trop grand.

— Et toi, Pierre ?

— Oh ! moi. Un homme se tire toujours d’affaire. Ysabau leva la tête. Elle venait de comprendre. Elle se trouva debout entre lui et la cheminée.

— Tu as dit, Pierre ? Je t’abandonnerai, moi, Pierre ? J’irai me placer bien en sûreté derrière les palissades pendant que tu seras exposé ici, toi, Pierre ? C’est bien ça que tu as dit ?

Et comme Pierre ne répondait pas :

— Non, Pierre, tu te trompes. Celle qui fera cela ne portera pas mon nom.

— Mais il le faut pourtant.

— Non, Pierre. J’ai lu toutes tes lettres à ta mère. Je savais où je venais, comprends-tu ?

Debout devant lui, droite comme une flèche, elle le regardait les yeux pleins de décision. Mais Pierre ne répondit pas. Il baissa la tête car depuis qu’il avait appris la capture de Marguerie et de Godefroy, il revoyait toujours la même scène : l’Iroquois attaché au poteau du supplice ; et il entendait le glapissement sauvage qui s’était si bien gravé dans son souvenir que rien ne saurait l’effacer.