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— Les Iroquois.

Pierre et Ysabau demeuraient étourdis, comme s’ils eussent reçu un coup de massue ; ils éprouvaient un éblouissement, l’impression que le temps s’arrêtait soudainement ; bien qu’ils fussent rapprochés tous trois, le son des paroles semblait provenir de loin.

— Tout a eu lieu à quelques milles d’ici. Ils étaient partis pour abattre des orignaux, la neige est épaisse, c’est l’époque favorable. Ils savent vivre en forêt comme les Sauvages. Plusieurs jours s’étaient écoulés ; personne ne s’inquiétait. Enfin le délai a paru trop long. En suivant les pistes, nous avons vite découvert l’endroit : les Indiens les ont surpris pendant leur sommeil ; eux, ils ont lutté. Nous avons trouvé un lambeau d’écorce portant ces mots : « Les Iroquois nous ont pris ». Plus loin, ils avaient écrit avec un tison éteint sur un gros orme pelard ; ils n’avaient encore subi aucun mal.

Godefroy, Marguerie. Dans le silence, angoissés, Ysabau, Pierre et Jacques Hertel pensaient à la même chose : la torture. Les Iroquois oseraient-ils ? Pierre se souvint du spectacle de barbarie dont il avait été témoin l’an de son arrivée. Tous trois, ils regardaient les flammes.

— Et Marie ? s’écria Ysabau.

— Marie ? Durant les premières heures, elle a connu le désespoir. Bien qu’elle soit frêle, elle possède beaucoup de courage. Elle espère un peu. Quand on la voit, on a pitié : elle demeure trop vibrante, émue par la moindre chose : un bruit, une parole. Votre compagnie la réconforterait sans doute.

— Qu’y a-t-il à faire ? demanda Pierre.

— Au poste, nous avons discuté toutes les solutions. Aucune possibilité de rejoindre ce parti de guerre avant qu’il ne soit rentré dans son village ; nous avons déjà plusieurs heures de retard. Et quel détachement former pour