Page:Desrosiers - Les Opiniâtres, 1941.djvu/84

Cette page a été validée par deux contributeurs.
82
les opiniâtres

la paille. Un grand feu flamba là-dedans et durcit les matériaux. Pour protéger ce dôme, il construisit un toit aigu, descendant jusqu’à terre des deux côtés et formant auvent à l’avant aussi bien qu’à l’arrière.

— Alors, ça va tenir votre machine, monsieur Hache ?

— Ça devrait tenir.

D’un air de doute, Ysabau surveillait l’édicule pendant que la figure du Fûté se plissait dans un sourire.

— On peut toujours essayer, dit Ysabau.

— On peut essayer, ça ne fera de mal à personne.

Et ce soir après souper, l’obscurité s’étant faite, David Hache débraisa le four, Ysabau enfourna le pain. Ils demeurèrent dehors tous quatre dans le froid déjà vif, à humer l’odeur délicieuse qui rassurait la jeune femme.

Mais s’infiltrant peu à peu dans la clairière, commença de monter du fleuve et de la forêt une brume d’abord ténue, fine comme une gaze ; elle s’épaissit vite et bientôt ils furent noyés dans cette masse ouateuse et distinguèrent à peine les objets autour d’eux. Parlant de moins en moins, Ysabau s’écria :

— Pierre, du brouillard comme à Saint-Malo !

Vibrante, l’exclamation les avait tous saisis.

— Saint-Malo, répliqua David Hache en sourdine. Ah ! oui, pour sûr.

— Saint-Malo, avait répété Pierre comme un écho.

Et ils se souvenaient du port de mer joli, des toits, des remparts.

Un long silence régna. La machine avait tenu. Ils mangèrent tout de suite quatre petits pains chauds. David Hache s’éloigna avec sa part de la fournée. Puis Ysabau sortit de nouveau avec Marie Marguerie. Elle voulait se promener encore dans le brouillard, se baigner dans cette vapeur