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les opiniâtres

La poursuite s’avérait inutile lorsque des hommes virent flotter à l’avant, dans le ciel, une colonne de fumée. Encore quelques milles, et les Français descendirent au pied d’un fortin où les ennemis en retraite venaient de mettre le feu.

Comme les biscayennes tournaient et abandonnaient la poursuite, sans plus, Pierre, étonné, interrogea ses compagnons :

— Les laisserons-nous échapper ?

— Il y a des rapides en amont. Biscayennes et canons ne se transportent pas facilement dans les portages. Qui les atteindrait d’ailleurs ? Leurs canots sont plus rapides ; en forêt, nous perdrions leurs traces. Si nous arrivions même devant leurs bourgs, toute la tribu aurait fui. Ils pourraient nous traîner à leur suite au travers du continent.

Voilà, l’ennemi était insaisissable. Comme tous les nouveaux venus, Pierre cherchait la solution de ce problème.

— Je sais ce que tu penses, poursuivit Hertel. Construire quelques forts ? Nous n’avons ni argent, ni soldats, ni munitions. Organiser une expédition punitive ? Il faudrait deux mille hommes, des vivres, des moyens de transport. Armer les Sauvages alliés ? Mais moi, j’ai vu le jour où sept cents d’entre eux étaient assemblés aux Trois-Rivières pour attaquer Québec. Il est aussi facile de les conduire que de donner une forme à du sable sec.

— Mais si la France…

— Une compagnie possède maintenant le pays. Avec les seuls profits du commerce des fourrures, elle doit se limiter au strict minimum : quelques soldats.

— Alors ? demandait Pierre, alors il est trop tôt pour commencer des défrichements ? — Et il pensait à son enthousiasme des mois passés.

— Trop tôt ? répondait Nicolet. Est-ce que l’on sait ? Le danger iroquois grandit, mais la Nouvelle-France s’accroît en même temps : quel-