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les opiniâtres

Entre ses paupières mi-fermées, François examinait de haut l’adolescente qu’il avait sauvée. Sébastienne venait s’asseoir à ses côtés, Sébastienne le rejoignait dans la rue, Sébastienne cheminait vers lui avec sa sincérité totale qui ne se souciait pas du monde.

— François, pourquoi me réponds-tu brusquement ?

— Moi ? Tu te trompes, Sébastienne.

François se tenait en garde. Aux avances trop visibles, aux phrases trop affectueuses, il opposait des paroles indifférentes. Il n’épargnait même pas les répliques si brutales que Sébastienne se levait comme si elle eût reçu un soufflet.

— Il ne me pardonne pas d’avoir subi ces tortures pour moi, pensait-elle. Pourtant, je ne lui déplais pas. On le sent quand on déplaît à quelqu’un. Imagine-t-il que je veux maintenant me sacrifier pour lui ?

Mais comment lui expliquer ces choses, à lui si fermé, si dur ? Sébastienne abordait ce sujet : une rebuffade l’arrêtait net : François pressentait ses paroles et ses pensées parce qu’il possédait plus d’expérience : promptement, il fermait toute avenue vers lui. Malgré tout, elle offrait son amour à la vue de tous comme on présente des joyaux sur un plateau.

François écoutait maintenant Magdelaine Hache.

— Ils se sont promenés longtemps en face du fortin ; ils avaient formé une procession et le premier en tête avait endossé la soutane de monsieur Le Maître. Pourquoi ne seraient-ils pas insolents ? Ils sont les vrais seigneurs du pays.

Elle pleurait. David Hache était mort. Pauvre, fatigué de l’inaction, il était parti pour la pêche avec deux soldats. Des canots iroquois leur avaient coupé la route du retour. La garnison avait entendu les coups d’arquebuse.